Le Canada pourrait modifier sa position impopulaire dans le dossier du jeune Canadien détenu à la prison de Guantánamo, Omar Khadr, à la suite de la décision de la commission militaire américaine, chargée de le juger, de suspendre ses audiences.

C'est le ministre canadien de la Défense, Peter MacKay, qui a du bout des lèvres ouvert la porte à cette possibilité. «Clairement, le Canada, l'avocat de M. Khadr et tout le monde impliqué dans ce dossier réviseront leur position», a-t-il déclaré à sa sortie d'une réunion des députés de son parti, à Ottawa.

Toutefois, le ministre MacKay a été contredit par Kory Teneycke, le porte-parole du premier ministre Stephen Harper.

«Nous suivons avec intérêt les développements aux États-Unis. Mais M. Khadr a été accusé de crimes graves et nous estimons que sa culpabilité ou son innocence doivent être déterminées par un processus judiciaire et non politique», a-t-il dit.

«Nous allons attendre de voir ce qui va se passer aux États-Unis dans ce cas», a-t-il ajouté.

Sur la base américaine dans l'île de Cuba, hier, un juge militaire, le colonel Patrick Parish, a donné le feu vert à une suspension de 120 jours de la procédure dans le dossier Khadr. La veille, mardi soir, le nouveau président américain, Barack Obama, avait ordonné à son secrétaire à la Défense, Robert Gates, de dire aux procureurs d'en faire la demande.

Outre Omar Khadr, une procédure impliquant cinq autres personnes soupçonnées d'être impliquées dans les attentats du 11 septembre 2001, incluant Sheikh Mohammed, le cerveau présumé de l'opération, a aussi été suspendue par un juge militaire à Guantánamo.

Par ailleurs, hier, l'administration Obama a fait circuler le brouillon d'une motion de l'exécutif qui, si elle était adoptée, ordonnerait la fermeture du controversé centre de détention d'ici un an, et la fin des procès pour crimes de guerre entre-temps.

Ignatieff demande le retour de Khadr

Omar Khadr, 22 ans, a été arrêté en Afghanistan en 2002, alors qu'il n'avait que 15 ans. Il est accusé d'avoir tué un soldat américain avec une grenade. Le Torontois est le dernier ressortissant d'un pays occidental à être toujours emprisonné à Guantánamo.

Le gouvernement Harper, qui a dit jusqu'ici qu'il voulait éviter de s'ingérer dans le processus de justice américain, a été sévèrement critiqué par des groupes de défense des droits de l'homme et les partis de l'opposition au Parlement canadien. On lui reproche d'avoir abandonné un enfant-soldat.

Interrogé à savoir si Omar Khadr ferait face à la justice canadienne s'il était rapatrié au pays, le ministre de la Défense, Peter MacKay, a répondu: «Les Canadiens ne s'attendent à rien de moins.»

Des voix se sont élevées hier pour encourager le gouvernement Harper en ce sens, dont celle du nouveau chef du Parti libéral, Michael Ignatieff.

«Nous l'avons répété depuis un an et demi, Guantánamo doit être fermée, et M. Khadr doit rentrer au pays. Il devrait être réintégré à la société canadienne. Je n'ai pas d'information sur son passé, je ne me prononce pas sur son innocence ou sa culpabilité, tout ce que je dis, c'est: Assez, c'est assez.»

De passage à Montréal, le chef libéral s'est défendu de faire preuve d'antiaméricanisme en qualifiant la prison de Guantánamo de «honte» et de «disgrâce».

«Je n'ai pas une once d'antiaméricanisme dans mon sang, j'ai un grand respect pour les traditions constitutionnelles et légales des États-Unis, mais je crois que Guantánamo a été une disgrâce pour ces traditions. J'ai hâte de voir la fermeture de Guantánamo, parce que j'aime les États-Unis. Je suis fier de nos bonnes relations avec eux. Mais Guantánamo était une honte. Les procédures juridiques de Guantánamo ne sont pas à la hauteur de la loi internationale.»

Avec la collaboration de Karim Benessaieh, La Presse Canadienne et Associated Press