Michael Fortier ne sera pas resté bien longtemps au repos. Trois mois après avoir quitté la politique à la suite de sa défaite aux élections fédérales, l'ancien ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux fait un retour dans le secteur privé. Dès lundi, il deviendra associé chez Ogilvy Renault et agira comme conseiller d'affaires stratégiques dans le domaine des fusions et acquisitions. La Presse s'est entretenue avec lui, quelques jours avant ce nouveau départ.

Q: La Presse: Pourquoi avoir choisi de revenir au droit?

R: Michael Fortier: L'industrie des services juridiques a beaucoup évolué en 10 ans. Les grands cabinets ont développé de l'expertise pluridisciplinaire et embauchent aujourd'hui comme associés des experts qui ne sont pas nécessairement avocats. À un client confronté à un problème, on peut donc lui proposer plusieurs points de vue de diverses sources d'expertise. Cette idée que les professionnels des cabinets deviennent des conseillers stratégiques n'existait pas, ou peu, lorsque je pratiquais. Cela m'a attiré. J'avais aussi envie de revenir chez Ogilvy parce que mes collègues d'autrefois -et amis- sont aujourd'hui devenus les dirigeants du cabinet.

Q: Vous auriez pu retourner dans le domaine bancaire...

R: Je suis chanceux, j'ai reçu plusieurs propositions. Mais comme j'ai l'intention de siéger à quelques conseils d'administration, la «plateforme» juridique était plus appropriée. Le milieu bancaire ne permet pas -en raison des conflits d'intérêts- de siéger à des conseils. Cela dit, j'ai l'intention de me limiter à deux ou trois conseils.

Q: L'activité en fusions et acquisitions est au ralenti depuis le boom de 2007. Vous arrivez à un bien mauvais moment...

R: En 2006, juste avant que je fasse le saut en politique, le domaine des F&A était aussi au ralenti. Pourtant, nous étions très occupés et faisions (chez TD) des présentations toutes les semaines. Et puis, comme le ralentissement économique crée des occasions intéressantes, certaines entreprises voudront en profiter et auront besoin de conseils stratégiques. Je suis sûr qu'il y aura des transactions; faudra trouver des moyens pour les financer, mais ça, c'est une autre histoire.

Q: La crise économique, vous la percevez comment?

R: Je suis de ceux qui pensent que ça ira encore plus mal avant d'aller mieux. Je crois aussi qu'un réalignement est nécessaire dans certains secteurs économiques, notamment dans l'automobile, et les secteurs manufacturier et forestier. C'est pourquoi je crois que toute injection de fonds gouvernementaux devra être attachée à de solides conditions.

Q: Croyez-vous que votre expérience politique vous servira dans votre boulot?

R: Avoir été sous les projecteurs pendant trois ans ne sera pas d'une grande utilité pour donner des conseils stratégiques. Cela dit, mon passage aux Travaux publics m'aura permis de diriger un ministère de 12 000 employés et de gérer un budget d'approvisionnement de 20 milliards de dollars. C'est aussi durant mon passage que le gouvernement a réalisé une des plus importantes transactions immobilières de l'histoire canadienne. Nous avons alors vendu, en 2007, deux mois avant le début de la crise du crédit, sept propriétés au secteur privé pour un montant de 1,41 milliard.

Q: Le fait d'avoir été ministre ouvre aussi des portes au gouvernement. Vos clients en profiteront-ils?

R: J'ai été très clair avec ceux qui voulaient m'embaucher: je ne suis pas intéressé à devenir un entremetteur à Ottawa. Pas question de faire du lobbyisme de quelque façon que ce soit. Avant de faire de la politique, je réussissais très bien ma vie professionnelle sans ça et j'ai l'intention de continuer.

Q: Ce retour en pratique privée, c'est juste en attendant de revenir en politique?

R: Pas du tout. J'ai passé trois ans à Ottawa et ce fut une belle expérience malgré les sacrifices familiaux. Mais j'ai tourné la page, et je ne serai pas candidat aux prochaines élections.