En huit ans, le Bloc québécois aura participé à trois processus de négociations visant la formation d'un gouvernement de coalition à Ottawa.

Devant l'insistance des conservateurs à dénoncer l'entente conclue entre les libéraux, les néo-démocrates et «les séparatistes», le Bloc québécois a brandi en Chambre un document qui montre que, non seulement le parti souverainiste négociait en 2004 pour la formation d'un gouvernement de coalition, mais aussi en 2000, avec l'Alliance canadienne et le Parti progressiste-conservateur.

 

Le projet d'entente, remis aux médias hier par les bloquistes, prévoyait qu'advenant l'élection du Parti libéral du Canada, minoritaire, «un nouveau gouvernement de consensus» pourrait prendre la place du premier ministre Jean Chrétien, sous prétexte qu'il n'aurait pas reçu l'appui d'une majorité de Canadiens.

Le document stipule que c'est Stockwell Day, alors chef de l'Alliance canadienne, qui serait ainsi devenu premier ministre du Canada.

Le chef du Bloc, Gilles Duceppe, au courant des négociations, n'a finalement jamais apposé sa signature au bas de ce document qu'avait reçu son parti à l'heure du dîner, le 27 novembre 2000, soit le jour du scrutin fédéral.

Les discussions entre ses conseillers, Pierre-Paul Roy et Éric Bédard, et l'avocat Gerry Chipeur, un proche du chef de l'Alliance, se sont interrompues abruptement, vers 22h, à l'annonce des résultats électoraux; les troupes de Jean Chrétien ayant finalement obtenu une majorité.

Dans un article du Globe and Mail, Me Chipeur affirme qu'il préparait le terrain dans l'éventualité d'un gouvernement minoritaire.

Day nie catégoriquement

L'ancien chef de l'Alliance, devenu député du Parti conservateur à la fusion des formations de droite et maintenant ministre du Commerce international, Stockwell Day, a nié catégoriquement, hier, avoir eu connaissance d'un tel projet d'entente avec un parti souverainiste.

«Je n'ai jamais autorisé ce document. Il s'agit d'une fabrication de toutes pièces», a lancé M. Day aux Communes.

«Mon ADN ne me permettrait pas de former une coalition avec des socialistes et mon coeur ne me permettrait jamais de conclure une entente avec des séparatistes», a-t-il ajouté, en anglais, dénonçant le pacte entre libéraux, néo-démocrates et bloquistes, qui vise à renverser le gouvernement de Stephen Harper dans les prochains jours.

Au tour des conservateurs

En 2004, c'était au tour de M. Harper de solliciter l'appui du Bloc québécois, advenant que le gouvernement minoritaire de Paul Martin perde la confiance de la Chambre, a rappelé le chef du Bloc en Chambre.

M. Duceppe a vivement dénoncé, hier, «l'hypocrisie» des conservateurs, qui accusent les partis fédéralistes d'avoir conclu un accord avec «les méchants séparatistes», alors qu'ils «ont fait exactement la même chose».

«Le premier ministre admettra-t-il que lui, en 2004, et le chef de l'Alliance canadienne, en 2000, étaient prêts à fonctionner avec le Bloc?» a-t-il lancé en réplique au premier ministre.

Pour se défendre, les libéraux, eux, ont rappelé que le parti souverainiste d'Ottawa a appuyé le gouvernement conservateur à de nombreuses reprises au cours du premier mandat, entre 2006 et septembre 2008, notamment sur deux budgets.

«C'est drôle le nombre de fois que les uns, les autres, se dénoncent de recevoir l'aide des séparatistes, comme ils disent, mais qu'à chaque fois, ils ont besoin des «séparatistes» pour rester au pouvoir», a souligné M. Duceppe à la sortie de la période de questions.

Interrogé à savoir s'il aurait effectivement appuyé l'Alliance canadienne et permis l'accession de Stockwell Day au poste de premier ministre en 2000, le chef du Bloc a souligné que les discussions se seraient d'abord poursuivies avant qu'il y ait une quelconque conclusion.

«Nous, on est toujours prêts à négocier en fonction des meilleurs intérêts des Québécois», a ajouté M. Duceppe.

Le leader souverainiste estime que le Québec ferait de nombreux gains si un gouvernement de coalition, formé du Parti libéral de Stéphane Dion et du NPD de Jack Layton et soutenu par le Bloc pendant au minimum 18 mois, venait à remplacer les conservateurs de Stephen Harper au pouvoir.