Stéphane Dion a affirmé hier que si le premier ministre Stephen Harper pousse trop fort et tente de faire adopter de force aux Communes certains de ses projets de loi concernant des réformes dans le domaine de la justice, il risque de devoir porter l'odieux d'un déclenchement prématuré de nouvelles élections fédérales.

«Je pense que le gouvernement doit comprendre qu'il est minoritaire et qu'il faut qu'il travaille avec le Parlement, ce qui a cruellement fait défaut dans les mois qui ont précédé les élections», a affirmé aux journalistes M. Dion à la suite d'une réunion de cinq heures avec les membres de son aile parlementaire.

Avant le déclenchement des dernières élections générales du mois d'octobre, les élus libéraux avaient mis de côté à plusieurs occasions leur orgueil afin de ne pas défaire en Chambre le gouvernement minoritaire sur certains projets de loi, question d'éviter des élections trop précipitées à leur goût. Le PLC avait besoin de temps pour mettre ses finances en bon état et préparer la bataille électorale. Cette stratégie a vivement été reprochée aux libéraux qui en ont d'ailleurs payé le prix lors du dernier scrutin.

Or, cette fois-ci, a averti le chef libéral, il en sera tout autrement. M. Dion a déclaré que M. Harper se devait maintenant de travailler avec l'opposition officielle.

«Les Canadiens veulent que l'on se concentre sur l'économie, a-t-il dit. Je suppose que c'est ce que M. Harper va faire aussi. Sinon, ça va créer des problèmes. S'il arrive avec des projets de loi qui sont clairement inacceptables pour l'opposition officielle, je vais envoyer tout de suite le message suivant à MM. Layton, Duceppe et à M. Harper: «Ne comptez pas sur les libéraux pour garder ce Parlement fonctionnel si vous ne voulez pas l'être». Donc, ce sera très important pour M. Harper de comprendre qu'il est minoritaire et qu'il y a des priorités qui sont claires pour les Canadiens. Et l'économie est la priorité des priorités.»

C'est un secret de Polichinelle que le gouvernement conservateur, à la faveur de la course au leadership des libéraux, souhaite faire adopter par le Parlement des projets de loi destinés à durcir les peines pour certains criminels, notamment les jeunes contrevenants et les criminels condamnés à purger leurs peines à domicile. Les conservateurs menacent même de faire des ces projets de loi des votes de défiance, donc des votes susceptibles de faire tomber le gouvernement en cas de défaite.

«Je ne crois pas que nous ayons changé d'avis sur le sujet, a confirmé cette semaine le directeur des communications du premier ministre, Kory Teneycke. Nous sommes prêts à faire de ces questions des questions de confiance s'il le faut.»

Stéphane Dion a réagi hier en expliquant qu'il n'y avait pas beaucoup d'appuis dans le caucus libéral pour un retour à la stratégie d'avant les élections. «Mes députés ne veulent pas faire autre chose que de voter en fonction du mérite de chacun des projets de loi qui nous seront soumis», a-t-il insisté.