(Québec) Érosion des berges, îlots de chaleur, et maintenant, préparation aux incendies de forêt : les villes devront fournir leur part d’efforts pour s’adapter aux changements climatiques, et le gouvernement du Québec ne paiera pas tout, a affirmé François Legault. La stratégie de protection du caribou forestier, qui devait être annoncée dans les prochains jours, sera par ailleurs revue de fond en comble.

« Au Québec, on a plus d’impôt sur le revenu qu’en Ontario, mais moins de taxe foncière qu’en Ontario. Quand les municipalités laissent entendre qu’il y a une marge de manœuvre magique à Québec, il faudrait que quelqu’un me la montre. Je ne vois pas cette marge de manœuvre là. Il va falloir travailler tout le monde ensemble pour faire des efforts », a lancé le premier ministre jeudi en marge d’une conférence de presse sur les incendies de forêt.

Son gouvernement compte investir près de 300 millions par année pour l’adaptation aux changements climatiques, mais cette somme est inférieure aux 2 milliards par année demandées par les grandes villes.

M. Legault refuse toujours cette demande. Il a fait remarquer que ces villes qui « demandaient de l’argent pour l’adaptation aux changements climatiques » n’incluaient aucune somme pour les incendies de forêt. Cela démontre selon lui que cette conséquence des changements climatiques n’était pas sur leur écran radar, ni sur le sien d’ailleurs.

On a eu beaucoup de discussions, dans les dernières années, sur les impacts de l’érosion des berges le long du Saint-Laurent. On a eu aussi beaucoup de discussions sur les îlots de chaleur dans les grandes municipalités. Il y a un phénomène qui vient s’ajouter actuellement, les incendies de forêt. Donc, on va continuer de s’adapter.

François Legault, premier ministre du Québec

Augmentation des effectifs

En point de presse, François Legault a toutefois souligné que la SOPFEU avait prévenu le gouvernement qu’il y aurait de plus en plus d’incendies de forêt, et qu’il a d’ailleurs augmenté ses effectifs de 10 % depuis 2018.

Le premier ministre s’est retrouvé sur la défensive jeudi lors de sa première présence à la période des questions depuis le début de la crise des incendies de forêt, vendredi dernier. Et la question de l’adaptation aux changements climatiques s’est imposée. M. Legault a été questionné coup sur coup par les libéraux et par Québec solidaire.

Ils ont rappelé que le Québec a été frappé depuis un an par une série d’évènements météo extrêmes :

  • Un derecho en mai 2022 ;
  • Une pluie extrême à Longueuil et Montréal en septembre 2022 ;
  • Une tempête de pluie verglaçante en avril 2023 ;
  • Des inondations importantes à Baie-Saint-Paul et dans les Laurentides en mai 2023 ;
  • Et maintenant des incendies de forêt historiques en juin, et des inondations en Gaspésie.

M. Legault reconnaît encore une fois qu’il faut en faire davantage, sans dévoiler son plan d’action. « On a tous été un peu surpris, en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario, un peu partout, par l’ampleur des feux. La situation est inquiétante ; avec les impacts des changements climatiques, on peut penser que, dans les prochaines années, on va avoir besoin de plus d’avions, plus d’effectifs », a laissé tomber le premier ministre.

Les experts le disaient

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a rétorqué que bien « qu’on ait été nombreux à être surpris par l’ampleur des incendies de forêt », « les experts dans le domaine de l’aménagement forestier, eux, ne sont pas si surpris que ça ».

« Ils nous l’avaient dit que ça allait s’amplifier, les incendies de forêt, à cause des changements climatiques. […] On le sait, la superficie des incendies de forêt pourrait doubler, voire quadrupler. C’est ce que la science nous dit », a-t-il souligné.

Il souhaite la tenue d’une commission parlementaire à l’automne, et d’un travail transpartisan pour entendre les experts de tous les domaines parler d’adaptation aux changements climatiques.

Le chef du Parti libéral, Marc Tanguay, reproche à M. Legault l’absence de direction dans l’appareil gouvernemental pour guider les politiques d’adaptation, comme l’a déploré, dit-il, la vérificatrice générale l’an dernier. « À quand un plan concret qui va faire dire à la vérificatrice générale que ça tient la route ? Parce que ce n’est pas le cas pour l’instant », a-t-il dit.

La pression n’est pas uniquement sur le gouvernement du Québec. Dans une lettre ouverte publiée dans La Presse, le chef de la direction de l’assureur Intact, Charles Brindamour, a demandé au gouvernement fédéral d’augmenter son budget d’adaptation de 2,2 milliards par année dès cette année.

M. Brindamour souligne qu’en 2021 seulement, le Québec a été frappé par 16 vagues de chaleur extrême et a enregistré 149 décès liés à la chaleur.

Caribou

Par ailleurs, la stratégie de protection du caribou forestier, qui devait être annoncée par Québec dans les prochains jours, sera entièrement revue pour tenir compte des impacts des incendies de forêt sur le régime forestier, a indiqué le premier ministre.

« La ministre des Ressources naturelles est déjà à pied d’œuvre pour être capable, effectivement, de tenir compte des impacts de ce qu’on voit actuellement avec les incendies de forêt sur le régime forestier, même chose aussi pour la protection du caribou. Donc, ce devait être annoncé dans les prochains jours, on est en train de tout revoir ça », a-t-il déclaré.