(Québec) Malgré la demande du Parti québécois et de Québec solidaire, le gouvernement Legault n’a pas l’intention d’établir des « balises » pour encadrer l’annulation d’évènements dans des lieux appartenant à l’État qui ne correspondrait pas aux valeurs québécoises. Québec maintient sa décision d’annuler un rallye antiavortement.

Craignant des dérives sur la liberté d’expression, le Parti québécois et Québec solidaire demandent au gouvernement Legault d’établir une série de critères qui pourraient justifier l’annulation d’un évènement dans un site appartenant à l’État. Mercredi, la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, a affirmé que Québec procéderait « au cas par cas » pour bannir un groupe.

La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a annulé la semaine dernière un évènement antiavortement qui devait se tenir en juin au Centre des congrès de Québec, une société d’État, ce qui a été salué par tous les partis de l’opposition. L’organisme chrétien Harvest Ministries International, qui est derrière l’activité, a fait parvenir mercredi une mise en demeure au gouvernement le sommant de revenir sur leur décision.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

L’évènement « Rallye Feu, Foi et Liberté », qui devait se tenir du 23 juin au 2 juillet, a été annulé vendredi dernier par la ministre du Tourisme, Caroline Proulx. Selon elle, il s’agit d’un évènement antiavortement.

« Toujours en date de ce matin, lorsqu’on demande au gouvernement sur la base de quels critères, désormais, la ministre va pouvoir ordonner, décider de qui a le droit de se réunir et qui n’a plus le droit de se réunir parce qu’ils ne correspondent pas aux valeurs québécoises, on n’a toujours pas de réponse. On est dans l’arbitraire le plus complet », a indiqué le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon.

Changement de ton

Après avoir salué la décision du gouvernement, le Parti québécois invite maintenant les élus à prendre un pas de recul pour « s’assurer de ne pas confondre deux enjeux complètement différents, celui du droit à l’avortement […] et celui de la liberté de réunion et d’expression », a-t-il ajouté. Vendredi, le député Pascal Bérubé soutenait qu’il aurait lui aussi annulé l’évènement antiavortement.

M. St-Pierre Plamondon refuse d’affirmer aujourd’hui si un gouvernement péquiste était intervenu ou non pour annuler le rassemblement. « Vous m’invitez à faire du cas par cas, ce qui est la position de la CAQ. Moi, je réponds : ça prend une politique claire », a martelé le chef péquiste.

Québec solidaire se ravise également et admet aujourd’hui que la décision du gouvernement Legault a « peut-être été un peu trop rapide ».

« Avec un peu de pas de recul, tout un chacun, je pense qu’on réalise qu’il y a des dangers à commencer à aller dans ce chemin-là », a indiqué le leader parlementaire, Alexandre Leduc.

« Je pense que tout le monde a eu une réaction forte lors de cette annonce-là du gouvernement, il y a quelques jours. Maintenant, quand on a commencé à voir des articles être publiés sur le fait que le gouvernement disait que c’était lui qui allait gérer au cas par cas qu’est-ce qui allait se passer on s’est un peu posé des questions, tout un chacun », a-t-il souligné.

De son côté, le Parti libéral du Québec tient un discours similaire à celui du gouvernement et soutient qu’il faut procéder au cas par cas. « J’entends que l’organisation comme telle a toute liberté d’expression et elle le fera dans les… dans les jours, là. Il y a une tournée du Québec qu’ils sont en train de faire dans des salles privées. Donc, la liberté d’expression est protégée là-dessus. », a lancé le chef intérimaire, Marc Tanguay.

Jeudi, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a exprimé des préoccupations concernant l’intention du gouvernement d’évaluer au cas par cas la tenue de certains évènements sur des lieux lui appartenant.

« Cette décision soulève des questions fondamentales relatives à la protection des droits garantis par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, notamment à la liberté d’expression et son exercice en pleine égalité », écrit la commission.

Québec ne reculera pas

La ministre Martine Biron a fait valoir vendredi que le gouvernement n’a pas l’intention d’établir des balises pour encadrer les décisions semblables futures. « Je n’en suis pas là, j’ai été très claire », a-t-elle indiqué à son arrivée à la période des questions.

Par ailleurs, Québec ne reviendra pas sur sa décision d’annuler l’évènement de l’organisation Harvest Ministries International au Centre des congrès de Québec, malgré l’envoi d’une mise en demeure.

On a été clair, on ne tergiverse pas sur cet enjeu-là, on a pris notre décision et on va y tenir.

Martine Biron, ministre de la Condition féminine

Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a indiqué de son côté qu’il allait « prendre connaissance de la mise en demeure ». La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, n’a pas voulu commenter.

Harvest Ministries International donnait au gouvernement jusqu’à midi jeudi pour rétablir le contrat de location pour la tenue du « Rallye Feu, Foi et Liberté » qui devait se tenir au Centre des congrès « sans quoi des procédures judiciaires pourraient être prises ». L’organisation chrétienne, qui se défend d’être « anti-avortement », estime que la décision de Québec est « abusive » et « attentatoire aux libertés fondamentales d’expression et de religion ».