(Québec) François Legault interdira à des groupes antiavortement « de pouvoir faire des grands spectacles dans des organismes publics » après l’annulation par sa ministre Caroline Proulx d’un évènement à venir au Centre des congrès de Québec. La ministre du Tourisme estime que le PDG de l’endroit a commis une « erreur » en acceptant la réservation.

La ministre du Tourisme Caroline Proulx est intervenue jeudi soir pour faire annuler un évènement antiavortement qui devait se tenir à la fin du mois au Centre des congrès de Québec, une société d’État. Une information d’abord révélée par Radio-Canada.

Le premier ministre François Legault soutient la décision de sa ministre et va même plus loin en voulant interdire la tenue de ce genre d’évènements. « Il y a une question aussi de jugement. On n’ira pas permettre à des groupes antiavortement de pouvoir faire des grands spectacles dans des organismes publics », a-t-il lancé en se rendant à la période de questions, vendredi.

« C’est contre les principes fondamentaux du Québec. Il est hors de question que dans l’une de nos sociétés d’État, qui sont sous notre responsabilité, comme le Centre des congrès ou le Parc olympique… Ce genre d’évènements n’aura pas lieu chez nous », a martelé de son côté la ministre Proulx lors d’une mêlée de presse en compagne de la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Caroline Proulx

La ministre Proulx a affirmé avoir été informée jeudi. On comprend que l’information ne venait pas du PDG du Centre des congrès de Québec, qui a commis une « erreur » à son avis. « Je vous dirais qu’on lui a rappelé les grands principes dans lesquels il devrait opérer », a soutenu Mme Proulx. « Il aurait dû, d’abord et avant tout, lever le téléphone et appeler soit ma sous-ministre, soit mon cabinet pour en discuter », a-t-elle déploré.

Elle l’a aussi informé qu’aucun « accompagnement » ne sera offert à l’entreprise qui pourrait choisir de relocaliser son évènement. Le message a aussi été transmis aux autres sites qui appartiennent à l’État.

Le PDG du Centre des congrès, Pierre-Michel Bouchard, a affirmé en entrevue à Radio-Canada qu’il n’était pas possible de vérifier le contenu des évènements lors de la réservation.

Pas d’effet sur la liberté d’expression

Selon le gouvernement Legault, il n’est pas ici question de restreindre la liberté d’expression, mais de défendre « les principes fondamentaux du Québec ». Ni le premier ministre ni les ministres Proulx et Biron ont voulu dresser la liste de ces principes.

« On est un gouvernement résolument pro-choix. Il faut être conséquent. Je remercie Caroline [Proulx] pour sa vigilance et sa promptitude à agir », a soutenu pour sa part la ministre Martine Biron. « Ça n’empêchera pas l’organisation de se trouver un endroit privé s’il le souhaite. Oui, la liberté d’expression, j’en suis, mais au gouvernement, on a des principes et on a décidé d’être conséquent », a-t-elle dit.

Selon Mme Proulx, « ce n’est pas arrivé jusqu’à présent, dans nos sociétés d’État au fil des ans, où on s’est questionné sur le principe d’accueillir ou pas ce type d’événements-là ».

Un geste salué par l’opposition

L’annulation par Québec de l’évènement antiavortement a été saluée par l’opposition. « C’est clair, au Québec, on ne veut pas retomber dans le débat quant à l’avortement, c’est important pour nous, et je pense que la ministre était bien avisée [de poser ce geste] », a mentionné le chef libéral par intérim, Marc Tanguay.

La députée de Québec solidaire, Ruba Ghazal, a félicité Mme Proulx pour son « leadership ».

« Au Québec, il y a consensus, mais il faut toujours qu’on reste vigilantes. L’histoire nous a appris ça, puis c’est important que même si aujourd’hui, factuellement, il n’est pas brimé, je parle du droit, pas de l’accessibilité, bien, c’est important de rester vigilantes », a-t-elle indiqué, demandant à la ministre Biron de travailler à accroître l’accès à l’avortement partout au Québec.

La Presse rapportait en avril que Martine Biron veut légiférer pour que le droit des femmes de choisir l’avortement devienne « sacré » au Québec. Elle lance un chantier pour ouvrir le « débat » dans la société.

« J’ai déjà été le ministre responsable du Centre de congrès de Québec, et si j’avais eu la même information, j’aurais pris la même décision », a fait valoir de son côté le député péquiste Pascal Bérubé. « Ça envoie un message fort. L’État, à travers le Centre des congrès, n’a pas à accueillir un tel groupe qui fait la promotion de valeurs qui vont à l’encontre de celles de l’État », a-t-il ajouté.

Avec Tommy Chouinard