(Ottawa) Le projet de réunir à Paris des membres du cabinet de Justin Trudeau et d’Emmanuel Macron, mis en veille en raison de la pandémie, devrait se matérialiser cet été : la France a soumis au Canada une date pour une rencontre au sommet dans la Ville Lumière, selon nos informations.

Ce qu’il faut savoir

  • Le projet de longue date d’organiser un cabinet conjoint entre les gouvernements de la France et du Canada devrait se concrétiser cet été.
  • L’ambassadeur de France à Ottawa, Michel Miraillet, est convaincu que les deux pays ont beaucoup à gagner à resserrer leurs liens.
  • Les conservateurs, qui critiquent Justin Trudeau et ses ministres pour leurs voyages à l’étranger, émettent des doutes sur la pertinence de l’exercice.

Au menu : énergie, économie, technologie, Russie. Un menu qui, faut-il le préciser, a évolué avec le temps.

Car au moment où le plan de cabinet franco-canadien en était à ses balbutiements, l’éléphant dans la pièce devait être Donald Trump, pas Vladimir Poutine. C’était lui, et son influence sur le reste du monde, que le tandem Trudeau-Macron cherchait à contrebalancer en unissant ses forces, a exposé l’ambassadeur de France à Ottawa, Michel Miraillet.

« L’idée avait été d’essayer de trouver, à un moment où on s’inquiétait d’une réélection d’un certain président américain, comment avancer, sous la présidence des deux chefs d’État et de gouvernement. Il y avait un souhait de reconstruire quelque chose », a-t-il exposé dans une entrevue accordée en février dernier.

Si la donne a changé, la nécessité de reconstruire, quant à elle, est peut-être encore plus pertinente, après une pandémie, et alors que se poursuit l’invasion russe à large échelle de l’Ukraine.

« Il y a un thème très cher au président Macron : l’environnement financier international, avec les suites de la crise ukrainienne », a indiqué le chef de mission.

Car il faut « rétablir un système financier avec les grandes institutions financières que sont la Banque mondiale, le FMI, pour essayer de retrouver un mode de financement des économies africaines ou des grands pays du Sud qui ne nous accompagnent pas forcément dans notre condamnation de l’attitude russe », a-t-il illustré.

Le gouvernement Trudeau a refusé de dire si la date proposée par l’ambassade avait été acceptée, ni même si un cabinet commun pourrait se tenir au cours de l’été à Paris. Il n’a pas été possible non plus d’obtenir des détails de l’ambassade du Canada à Paris, où l’ancien ministre Stéphane Dion a officiellement posé ses valises en octobre dernier.

« On a un vrai partenariat avec l’ambassadeur Stéphane Dion », a dit M. Miraillet, plus loquace.

« Tous les dossiers sont là »

L’envoyé d’Emmanuel Macron au Canada, qui a pour sa part remis ses lettres de créance à la gouverneure générale Mary Simon en septembre dernier, s’emballe en énumérant les fruits potentiels d’un rapprochement : intelligence artificielle et informatique quantique, recherche, enseignement supérieur, culture, énergie, minéraux critiques.

« Tous les dossiers sont là », a-t-il résumé.

Nous avons aussi des intérêts économiques fondamentaux, à la fois sur les marchés, la promotion de l’Airbus A200 construit à Mirabel, l’hydrogène vert – c’est une façon aussi de dépasser le stade de la batterie –, mais aussi les batteries, les minéraux critiques.

Michel Miraillet, ambassadeur de la France au Canada

Ce serait la première fois que le gouvernement de Justin Trudeau organise un Conseil des ministres commun. Sur la scène nationale, les gouvernements libéraux de Jean Charest et de Philippe Couillard s’étaient prêtés à l’exercice avec les gouvernements dirigés par des chefs de même allégeance en Ontario, soit Dalton McGuinty et Kathleen Wynne.

Les conservateurs sceptiques

Sans se prononcer directement sur la pertinence d’une telle réunion, le conservateur Pierre Paul-Hus s’interroge tout de même : « Si le premier ministre s’apprête à emmener son cabinet ministériel en voyage en France, il devrait le dire. Il devrait surtout expliquer les motifs du voyage. Les Canadiens ont le droit de savoir. Qu’a-t-il à cacher ? »

Ces jours-ci, à la Chambre des communes, les conservateurs sermonnent les libéraux en raison de leurs déplacements à l’étranger. Y voyant une « déconnexion » par rapport aux Canadiens qui peinent à joindre les deux bouts, ils ont raillé Justin Trudeau, ainsi que la ministre des Finances, Chrystia Freeland, pour leur participation au G7, au Japon.

« Les conservateurs tentent d’insinuer qu’il y a quelque chose d’élitiste, quelque chose qui va à l’encontre des Canadiens ordinaires dans le fait que les dirigeants du Canada participent aux réunions du G7 », a répliqué mercredi dernier à Pierre Poilievre celle qui est aussi vice-première ministre.

« Je voudrais demander aux Canadiens s’ils pensent qu’il est anormal que le premier ministre se rende à une réunion avec le président des États-Unis, le premier ministre du Royaume-Uni et le premier ministre du Japon », a-t-elle enchaîné.

Les déplacements à l’étranger de Justin Trudeau, qu’ils soient de nature personnelle ou professionnelle, l’ont souvent plongé dans l’embarras. L’un des plus récents exemples est la facture de 6000 $ pour sa nuitée dans une suite à Londres, où il se trouvait pour assister aux funérailles de la reine Élisabeth II, en mars 2022.