(Ottawa) Contre toute attente, le projet de loi C-13 visant à moderniser la Loi sur les langues officielles a été adopté en troisième et dernière lecture à la Chambre des communes presque à l’unanimité, lundi après-midi. Le vote était sans appel : 300 députés ont voté en faveur, et un seul député s’y est opposé.

Ce qu’il faut savoir

  • Le projet de loi C-13 vise à moderniser la Loi sur les langues officielles.
  • Le Sénat doit maintenant étudier le projet de loi.
  • Le gouvernement du Québec réclame l’adoption de cette réforme avant la fin des travaux parlementaires, en juin.

« C’est une journée historique. Je suis très contente de voir que le projet de loi a été adopté et qu’il sera maintenant étudié par le Sénat dans les plus brefs délais », a lancé immédiatement après le vote la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, en point de presse.

Restant campé sur ses positions, le député libéral du Québec Anthony Housefather a été l’unique élu à voter contre le projet de loi de son propre gouvernement, tandis qu’une autre députée libérale de la région de Montréal, Sherry Romanado, s’est abstenue de voter.

Les deux députés réfractaires ont exprimé leur choix à distance, comme le permettent depuis trois ans les règles de la Chambre des communes.

M. Housefather, un ancien dirigeant d’Alliance Québec, avait télégraphié son intention de voter contre le projet de loi parce qu’il contient des références à la Charte de la langue française du Québec.

Selon lui, ces références peuvent représenter une menace aux droits de la minorité anglophone du Québec.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le député libéral du Québec Anthony Housefather a été l’unique élu à voter contre le projet de loi de son propre gouvernement.

Durant l’étude du projet de loi en comité, plusieurs élus libéraux représentant des circonscriptions de la région de Montréal avaient exprimé des craintes similaires, laissant entrevoir une possible fronde de leur part si le gouvernement n’acceptait pas certains amendements. La fronde ne s’est donc pas matérialisée. M. Housefather a notamment tenté de faire retirer toute référence à la Charte de la langue française du projet de loi C-13, mais sans succès.

Freiner le déclin du français

« Le projet de loi C-13 n’enlève aucun droit aux anglophones du Québec. La priorité du projet de loi, c’est de freiner le déclin du français et d’appuyer nos communautés en situation minoritaire », a insisté la ministre Petitpas Taylor, ajoutant que le député Housefather a voté selon ses convictions, « et c’est correct ».

Le Bloc québécois a voté en faveur du projet de loi, estimant qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction. « Mais ça reste encore insuffisant pour faire en sorte que le français soit protégé au Québec », a affirmé le leader parlementaire, Alain Therrien.

Le projet de loi C-13 accorde un nouveau droit de travailler et d’être servi en français au Québec et dans les « régions à forte présence francophone » des autres provinces dans le cas des entreprises privées qui sont de compétence fédérale, comme les banques, les compagnies aériennes ou ferroviaires.

Québec en faveur

Le gouvernement Legault appuie le projet de loi C-13 dans sa forme actuelle et exige son adoption avant la fin des travaux parlementaires.

Au printemps, Québec et Ottawa sont tombés d’accord sur la teneur de certains amendements au projet de loi C-13.

Québec souhaitait que la Charte de la loi française s’applique aux entreprises à charte fédérale situées sur son territoire. Ottawa a proposé à la place d’inclure dans son projet de loi certains éléments de la Charte touchant ces mêmes entreprises non seulement au Québec, mais aussi dans les régions à forte présence francophone dans les autres provinces.

Le projet de loi donne également au commissaire aux langues officielles le pouvoir de contraindre les institutions fédérales à respecter leurs obligations découlant de la Loi sur les langues officielles en créant notamment un régime de sanctions. Il oblige aussi le ministère de la Justice à nommer des juges à la Cour suprême du Canada qui maîtrisent les deux langues officielles.

En peaufinant le projet de loi C-13, le gouvernement Trudeau a par ailleurs décidé de confirmer le rôle essentiel que joue Radio-Canada/CBC dans la protection et la promotion des deux langues officielles au pays à l’article 42.1. Selon des analystes, cette clause a une valeur quasi constitutionnelle et pourrait constituer un obstacle juridique de taille pour tout gouvernement qui souhaiterait sabrer le budget du diffuseur public.

Rappelons que le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, qui a voté en faveur du projet de loi C-13, a promis de couper les vivres à Radio-Canada/CBC d’un montant de 1 milliard de dollars s’il prend le pouvoir aux prochaines élections. S’il forme le prochain gouvernement, M. Poilievre pourrait violer au moins l’esprit de la nouvelle Loi sur les langues officielles en mettant cette menace à exécution.

Avec La Presse Canadienne