(Québec) Le gouvernement Legault a déposé son projet de loi jeudi pour augmenter le salaire des députés d’au moins 30 000 $ par année. « C’est un rattrapage qui était dû », a plaidé le premier ministre François Legault.

« Il y a eu un comité indépendant qui s’est penché sur le dossier pour que les salaires soient compétitifs », a-t-il ajouté dans une brève mêlée de presse juste avant le dépôt du texte législatif par le leader parlementaire du gouvernement et ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette.

Court, le projet de loi fait passer de 101 561 $ 131 766 $ l’indemnité de base des députés, comme le recommandait le comité Thériault-Ouellet rendu public le mois dernier. C’est une hausse de 30 % (30 000 $), comme nous l’expliquions cette semaine en détail.

Or, l’augmentation s’appliquera dans la même proportion à l’indemnité additionnelle que touchent 115 des 125 députés parce qu’ils occupent une fonction parlementaire. Cette indemnité correspond en effet à un pourcentage de l’indemnité de base. On parle d’une hausse supplémentaire de 6000 $ pour un adjoint parlementaire, ou encore d’environ 22 000 $ pour un ministre, par exemple.

Les députés touchent également une allocation de dépenses de 38 184 $ que le projet de loi ne modifie pas. Le texte législatif ajoute que « l’indemnité de base est augmentée de tout montant équivalent à toute augmentation du maximum de l’échelle de traitement d’un titulaire d’un emploi supérieur applicable aux premiers dirigeants, vice-présidents et membres d’un organisme du gouvernement de niveau 4 ».

« En outre, précise-t-on, chaque député reçoit un montant équivalent à toute autre augmentation de traitement accordée aux titulaires d’un emploi supérieur auxquels l’échelle » citée précédemment est applicable.

Les caquistes évitent de répondre

Avant et après la période de questions, les députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) longeaient les murs pour éviter de répondre aux questions sur le sujet. Une dizaine d’élus questionnés à l’entrée et à la sortie du Salon bleu ont refusé de citer la raison pour laquelle ils méritaient une telle hausse de salaire.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le député péquiste de Matane-Matapédia Pascal Bérubé

Le député péquiste Pascal Bérubé, qui exprime un « malaise » devant l’ampleur de cette hausse, avait d’ailleurs prévu le coup. « C’est eux et elles qui ont eu le débat à l’intérieur du caucus. Et là, tout le poids repose sur nous : “Qu’est-ce que vous allez faire ? Allez-vous voter pour ?” C’est les députés caquistes qui devraient être ici en disant : “Bien, nous, on trouve que c’est une bonne idée, puis on l’a plaidé au caucus” », a-t-il déploré.

M. Bérubé a ajouté que des médias du Saguenay–Lac-Saint-Jean l’avaient contacté pour avoir des commentaires, car ils n’avaient pas de nouvelles des députés caquistes locaux.

« Heille ! Vous avez cinq députés de la CAQ, puis il n’y en a pas un qui veut parler ? Non. On va vous donner les numéros des cinq députés, puis vous allez leur demander à eux », a-t-il dit. La ministre responsable de la région, Andrée Laforest, a refusé de répondre aux questions.

Jolin-Barrette défend le gouvernement

En mêlée de presse, le leader du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, a défendu le projet de loi qui augmente ce printemps le salaire des élus. « Le gouvernement donne suite aux recommandations du rapport indépendant », a-t-il affirmé.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Simon Jolin-Barrette

Ce rapport, c’est celui d’un comité indépendant composé des ex-députés Lise Thériault (PLQ) et Martin Ouellet (PQ), de même que d’un spécialiste des ressources humaines, Jérôme Côté. Il a été formé en février à l’initiative de la CAQ et du PLQ au bureau de l’Assemblée nationale (BAN).

Lors du dépôt du rapport, M. Côté a affirmé que le mandat qui leur avait été confié était « restreint ». Il s’agissait de « revoir l’indemnité annuelle des députés et son mécanisme d’indexation ». Jeudi, M. Jolin-Barrette a soutenu que le comité avait au contraire « les coudées franches pour réviser l’indemnité annuelle en tenant compte de la rémunération globale », ce qui comprend le régime de retraite des élus.

Sur ce sujet, le projet de loi déposé par Québec ne change rien à la situation actuelle. Le régime de retraite des députés est fort généreux et n’a d’équivalent nulle part. Le projet de loi aura pour effet de rendre ce régime encore plus généreux.

Dans son rapport, le comité suggérait à titre de piste de réflexion qu’une « analyse globale des conditions de travail devrait être menée afin de compléter l’exercice de révision [qui est] entamé avec le présent rapport ».

« Pour la suite des choses, il pourra y avoir des discussions au bureau de l’Assemblée nationale », a tranché Simon Jolin-Barrette.

Cynisme

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, dénonce ce projet de loi, qui équivaut à « se voter à soi-même une augmentation de salaire comme député » et estime que cela « alimente le cynisme ». Il lance maintenant un « défi amical » aux élus caquistes, qui profiteront d’une semaine de travail en circonscription dès vendredi.

Du côté du Parti libéral, le député André Fortin a réitéré qu’il était favorable à une hausse de salaire des élus. Il n’en a toutefois pas parlé aux électeurs de sa circonscription.

Une adoption rapide

Le projet de loi est en voie d’être adopté d’ici la fin de la session, le 9 juin. L’augmentation de salaire s’appliquera dès sa sanction.

Le comité Thériault-Ouellet reconnaît que l’indemnité de base d’un député de l’Assemblée nationale est plus élevée que dans les autres provinces. Mais il ajoute que l’intensité du travail est plus grande ici, car le Québec exerce quant à lui pleinement certaines compétences constitutionnelles. Toujours selon son rapport, l’indemnité de base d’un député est légèrement inférieure au salaire maximal d’un conseiller politique qui travaille pour lui. Le salaire des conseillers a augmenté de 30 % en 10 ans alors que l’indemnité des élus a crû de 15 % au cours de la même période, toujours selon le comité.

Les députés ont également une indemnité de base inférieure à bien des cadres des secteurs public et parapublic. Il s’est creusé un « écart » au fil des ans et il faut « combler ce retard », selon le comité. Il justifie également une hausse de salaire en soulignant la charge de travail d’un député et son horaire atypique.