(Québec) Le gouvernement Legault va de l’avant avec une augmentation du salaire des députés de 30 000 $ par année. Il déposera un projet de loi jeudi pour mettre en œuvre les recommandations récentes d’un comité sur la rémunération des élus de l’Assemblée nationale.

Le moment du dépôt n’est pas anodin : ce jeudi, c’est la date limite pour déposer un projet de loi pouvant être adopté au cours de la même session – avant les vacances estivales dans le cas présent. Le dossier est donc en voie d’être réglé d’ici la fin de la session, le 9 juin.

Avec plus des deux tiers des députés de l’Assemblée nationale, le gouvernement Legault est en mesure d’adopter le projet de loi seul. Mais un dossier comme la rémunération des élus se règle en général avec l’appui d’un autre parti. Les libéraux seraient favorables aux recommandations du comité et, donc, à un projet de loi, laisse-t-on entendre au gouvernement, ce que le parti n’a pas confirmé lui-même pour le moment. Québec solidaire s’y oppose ; le Parti québécois (PQ) montre des réticences.

En février, le Bureau de l’Assemblée nationale – le conseil d’administration du Parlement composé d’élus – a voté pour créer un comité afin de revoir la rémunération des députés. La mesure a été appuyée par la Coalition avenir Québec (CAQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ).

Le comité était composé des ex-députés Lise Thériault (PLQ) et Martin Ouellet (PQ), de même que d’un spécialiste des ressources humaines, Jérôme Côté.

Dans son rapport rendu public le 19 avril, le comité a recommandé une hausse de 30 % de l’indemnité de base des députés pour qu’elle passe de 101 561 $ à 131 766 $ par année. À cette indemnité de base s’ajoute une allocation de dépenses de 38 184 $, pour une rémunération qui devrait donc passer à 169 950 $, selon le comité.

En plus de l’indemnité de base et de l’allocation de dépenses, la grande majorité des députés (115 sur 125) touchent une indemnité additionnelle parce qu’ils occupent une fonction parlementaire – président de séance (15 000 $), président de commission (25 000 $), adjoint parlementaire (20 000 $), ministre (76 000 $) ou premier ministre (106 000 $), par exemple. Cette indemnité additionnelle sera également revue à la hausse de 30 % puisqu’elle correspond à un pourcentage de l’indemnité annuelle de base.

Des indemnités plus élevées qu’ailleurs au Canada

Le comité reconnaît dans son rapport que l’indemnité de base d’un député de l’Assemblée nationale est plus élevée que dans les autres provinces (voir tableau). Mais il ajoute que l’intensité du travail est plus grande ici, car le Québec a fait le choix d’exercer pleinement certaines compétences constitutionnelles.

Toujours selon son rapport, l’indemnité de base d’un député est légèrement inférieure au salaire maximal d’un conseiller politique qui travaille pour lui. Le salaire des conseillers a augmenté de 30 % en 10 ans alors que l’indemnité des élus a crû de 15 % au cours de la même période, toujours selon le comité.

Les députés ont également une indemnité de base inférieure à bien des cadres des secteurs public et parapublic. Il s’est creusé un « écart » au fil des ans et il faut « combler ce retard », selon le comité. Il justifie également une hausse de salaire en soulignant la charge de travail d’un député et son horaire atypique.

Il n’a recommandé aucune modification au régime de retraite des députés, qui est considéré comme une « Ferrari » tellement il est généreux et n’a d’équivalent nulle part ailleurs. Un précédent comité avait proposé en 2013 de hausser le salaire des députés mais, en contrepartie, d’éliminer certaines indemnités, de faire le ménage dans d’autres et, surtout, d’imposer une cure minceur à ce régime de retraite. Il ajoutait que « la problématique où le législateur est juge et partie en matière de détermination de ses propres conditions de travail ne peut être résolue à long terme que par l’instauration d’un mécanisme régulier d’analyse par un comité indépendant dont les recommandations seraient exécutoires ». Le rapport du comité Thériault-Ouellet suggère aussi de créer un jour un processus indépendant. Le Bureau de l’Assemblée nationale y a déjà réfléchi sans aller de l’avant jusqu’ici.

Lisez l’article : « La “Ferrari” des députés »

Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, disait lui-même le mois dernier que les élus ne devraient pas décider eux-mêmes de leur rémunération. « C’est dur d’être juge et partie. J’ai présidé plusieurs comités de rémunération de compagnies publiques, je pense qu’il faut laisser aux tierces parties le soin de regarder ce qu’on fait et d’évaluer si on est sur- ou sous-payé. La clé de ça, c’est d’avoir des gens de l’extérieur. Parce que c’est sûr qu’on ne peut pas demander aux élus de décider comment ils vont se faire payer », expliquait-il.

L’augmentation à venir de la rémunération des députés survient au beau milieu des négociations avec les employés de l’État, qui réclament un rattrapage salarial. Elle tombe également au moment où la hausse du coût de la vie amincit le portefeuille des contribuables. À Québec, on plaide qu’il n’y aura jamais un bon moment pour revoir le salaire des députés et que le dossier traîne depuis longtemps.