Les trois partis de l’opposition s’unissent pour « mettre de la pression » sur le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, en réclamant l’adoption d’ici juin d’une loi-cadre pour lutter contre les violences sexuelles en milieu scolaire. Un projet de loi sera de nouveau déposé jeudi, cette fois par la députée solidaire Ruba Ghazal.

« C’est un sujet important qui doit être traité de façon transpartisane. […] On veut adresser un message clair au ministre : ça prend une loi-cadre pour lutter contre les agressions sexuelles dans nos écoles. Ça presse », a martelé dimanche Mme Ghazal, lors d’une conférence de presse à Montréal, aux côtés du collectif La voix des jeunes compte, qui réclame l’adoption d’une telle loi depuis plus de cinq ans.

En 2017, Hélène David, qui était alors ministre responsable de la Condition féminine dans le gouvernement libéral de Philippe Couillard, avait fait adopter une loi pour combattre les violences sexuelles dans les cégeps et les universités. Depuis, tous ces établissements doivent avoir une politique en la matière, des bureaux de soutien et divers mécanismes d’aide.

Pour Mme Ghazal, « ce n’est pas normal qu’au primaire et au secondaire, il n’y ait pas le même type de loi pour protéger les jeunes mineurs, surtout quand on sait que plus de la moitié des plaintes d’agression sexuelle viennent de mineurs, selon la police ». La porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a soutenu que son parti tente ainsi de corriger un « angle mort » du système.

« N’attendons pas le prochain drame »

« Ça fait déjà plus de cinq ans que les jeunes font le travail des adultes. Il est désormais temps de prendre vos responsabilités. N’attendons pas le prochain drame. Agissons maintenant », a de son côté fait valoir Hawawou Sy, une membre du collectif La voix des jeunes compte.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Hawawou Sy, du collectif La voix des jeunes compte

Le projet de loi 397 « ratissera large », promet Mme Ghazal. Il vise notamment l’adoption d’une politique pour prévenir et combattre les violences à caractère sexuel dans tous les établissements, du préscolaire au secondaire, y compris les centres de formation professionnelle et d’éducation aux adultes.

La politique comprendrait des mesures de prévention et de sensibilisation, des formations annuelles obligatoires pour la direction et le personnel, et un processus de plaintes détaillé. La présence de services ou d’une personne-ressource en matière de violences sexuelles est également prévue dans chaque établissement.

Christine Labrie, députée solidaire de Sherbrooke, avait déjà tenté de faire adopter un projet de loi similaire, mais celui-ci était mort au feuilleton lors du déclenchement des dernières élections.

« Il y a des jeunes qui ne savent même pas ce qu’est une agression sexuelle. C’est pour ça qu’il faut faire de la prévention », a de son côté plaidé la libérale Marwah Rizqy, qui soutiendra le projet de loi. « Monsieur Drainville, je sais que vous nous écoutez. On veut le faire adopter dans cette législature et, dans un monde idéal, d’ici juin. On est disponibles, Monsieur Drainville », a-t-elle lancé plus directement au ministre.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

La libérale Marwah Rizqy

Québec « sensible », mais…

Mi-avril, après avoir déclenché une enquête générale sur les cas de violence sexuelle en milieu scolaire, le ministre Drainville avait annoncé la mise sur pied d’une ligne téléphonique pour signaler toute forme d’inconduite sexuelle ou de violence dans les écoles. La Presse a toutefois rapporté dans la foulée que personne ne répond à cette ligne, qui est plutôt une boîte vocale1.

Ça montre encore une fois qu’on est en mode urgence, alors que le problème est vraiment plus profond que ça.

Méganne Perry Mélançon, porte-parole nationale du Parti québécois et ex-députée de Gaspé

Par écrit, le cabinet de M. Drainville a indiqué dimanche être « très sensible aux enjeux liés à la violence sexuelle dans nos écoles », sans toutefois confirmer qu’il ira de l’avant avec une loi-cadre.

« Le collectif La voix des jeunes compte a été entendu en consultations particulières en 2022 sur le projet de loi sur le Protecteur de l’élève où on peut retrouver un pan complet sur les violences sexuelles. Notre gouvernement a d’ailleurs adopté, en juin 2022, cette loi », a soutenu l’attachée de presse, Florence Plourde, en rappelant que la loi prévoit qu’une « section distincte » du Plan de lutte contre l’intimidation et la violence devra être consacrée aux violences à caractère sexuel.

Québec veut aussi rendre obligatoires des « activités de formation pour les membres de la direction et les membres du personnel de même que des mesures de sécurité visant à contrer les violences à caractère sexuel ». Ces nouvelles mesures doivent entrer en vigueur le 15 septembre.

Pour Mme Ghazal, toutefois, le Protecteur de l’élève « n’est pas suffisant ». « C’est comme un ombudsman, au final. Or, on sait que dès qu’un jeune parle, il faut qu’il y ait une ressource dans l’école », soutient-elle, en rappelant qu’un jeune agressé ne veut pas non plus nécessairement s’adresser à l’institution.

Avec La Presse Canadienne

1. Lisez l’article « Inconduites sexuelles en milieu scolaire : pas de réponse au 1 833 DENONCE »