Une semaine après l’annonce d’une nouvelle mouture du troisième lien à Québec, l’heure est à la reddition de comptes pour Éric Caire et François Legault.

(Québec) Des députés caquistes de Québec et de Chaudière-Appalaches s’attendent à un mea culpa de leur chef François Legault mardi pour les avoir mis devant le fait accompli au sujet du recul sur le troisième lien autoroutier entre les deux rives.

Le premier ministre rencontrera en matinée ses élus de la région qui ont été sonnés par la décision de rompre cette promesse électorale qu’ils avaient défendue bec et ongles. Ils l’ont apprise lundi dernier en fin d’après-midi pour certains, mardi matin pour d’autres, soit quelques heures seulement avant que l’information ne soit connue du public.

C’est la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, et le directeur de cabinet de M. Legault, Martin Koskinen, qui les ont rencontrés pour leur annoncer la décision. Les maires de Québec et de Lévis ont été informés avant les députés lundi dernier.

Des députés de la région ont affirmé à La Presse qu’ils s’attendent à ce que M. Legault fasse un mea culpa pour ne pas les avoir consultés et associés à la prise de décision, que le premier ministre reconnaisse que les choses auraient dû être faites différemment. Ils ont d’ailleurs fait passer leur message lors d’une réunion de tout le caucus caquiste la semaine dernière.

La convocation du premier ministre à une rencontre mardi matin n’est pas étrangère à cette sortie de la semaine dernière qui a causé des remous à l’interne, dit-on sans toutefois parler d’un épisode inédit depuis la prise du pouvoir en 2018.

On s’attend également à ce que M. Legault laisse à tout le moins entendre mardi matin que la région obtiendra une compensation pour l’abandon d’un projet impliquant des milliards de dollars d’investissements publics.

Au cabinet du premier ministre, on cherche à modérer les attentes. L’intention de M. Legault est d’« écouter ses députés » et d’« échanger » avec eux. Il n’y a « pas d’annonce » au programme.

Une réunion sur le troisième lien dans Beauce-Nord

L’abandon du troisième lien fait également des vagues au sein du parti. Les membres du bureau de direction du comité d’action local de la Coalition avenir Québec (CAQ) dans Beauce-Nord se sont réunis lundi soir pour discuter exclusivement de ce recul du gouvernement.

Ils ont finalement tous décidé de rester au sein du parti. « Que le gouvernement rompe cette promesse-là, ça nous déçoit, c’est clair. Il y a de la déception, oui, mais on continue avec notre député Luc Provençal et avec le parti actuel. Il n’y a pas de démission », a expliqué le président du comité, Frédéric Vallières, un militant de longue date – il était à la tête de l’association adéquiste de Beauce-Nord au moment de la fusion avec la CAQ en 2012.

M. Vallières a fait savoir que le député « a la COVID présentement » et qu’« on ne le verra pas physiquement dans les prochains jours » pour cette raison.

Membre du bureau de direction du comité caquiste de Beauce-Nord, l’ancien député Janvier Grondin a affirmé que l’abandon du troisième lien « ne [l]’a pas empêché de dormir ».

Je me demande même si la province de Québec avait vraiment les moyens de se payer ça. On a un pont qui a au-dessus de 100 ans, l’autre a 60 ans, je trouve que ce serait pas mal mieux de mettre l’argent sur les ponts déjà existants pour qu’ils soient en ordre.

Janvier Grondin, ancien député et membre du bureau de direction du comité caquiste de Beauce-Nord

Luc Provençal militait pour un troisième lien autoroutier avant même de devenir député caquiste en 2018. Il le faisait auparavant à titre de maire de Beauceville et de président de la Table régionale des élus municipaux de la Chaudière-Appalaches. « Déçu » du recul de son parti, il affirmait la semaine dernière que la décision représente « une perte pour la région ». Il croit que des électeurs « vont remettre en question leur appui à la CAQ ».

Au début de 2022, Luc Provençal avait entrepris une réflexion sur son avenir politique. Il confirmait avoir été courtisé par le Parti conservateur du Québec, mais, après avoir pesé le pour et le contre, il avait renoncé à changer de formation. Il a été réélu le 3 octobre en devançant d’à peine 202 voix son adversaire conservateur Olivier Dumais.

Au menu du congrès de mai ?

La vice-présidente de la CAQ pour l’est du Québec, Christiane Gamache, soutient que le parti devrait aborder le sujet du troisième lien lors de son congrès des 13 et 14 mai à Sherbrooke. C’est une question de « transparence envers les militants » quant au sort d’une promesse phare, a-t-elle affirmé à La Presse sans pouvoir confirmer à ce stade-ci que le sujet serait bel et bien à l’ordre du jour.

Christiane Gamache a défendu le projet de troisième lien comme candidate caquiste dans Jean-Lesage lors des deux dernières élections remportées par Québec solidaire dans cette circonscription de Québec. Elle se dit déçue de la décision, mais s’y rallie.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La vice-présidente de la CAQ pour l’est du Québec, Christiane Gamache

Au niveau des gens au sein du parti, c’est sûr que la déception est présente. Cependant, on est encore tous ensemble et on continue d’avancer. C’est notre mot d’ordre à nous tous.

Christiane Gamache, vice-présidente de la CAQ pour l’est du Québec

Mme Gamache quittera la vice-présidence de la CAQ lors du congrès après deux mandats. Cette enseignante à la retraite se dit « en attente » d’un poste au sein du cabinet du ministre de l’Éducation et député de Lévis, Bernard Drainville.

Lors du congrès de la CAQ, François Legault sera soumis à un vote de confiance. Les statuts du parti prévoient en effet qu’il y en ait un à l’endroit du chef lors du premier congrès qui suit des élections générales. Il n’y en avait pas eu après celles de 2018 en raison de la pandémie. En 2014, François Legault avait obtenu un score de 97,2 %. L’historique du parti laisse planer peu de doute quant à l’issue du vote en mai.

Ce congrès se veut surtout l’occasion pour la formation de mettre de l’avant le thème du développement énergétique. Dans le cahier de propositions, la commission politique demande aux militants d’appuyer l’idée de « préconiser la construction de nouvelles centrales hydroélectriques pour réussir l’électrification du Québec ».

Des panélistes feront également une présentation sur l’énergie. Une séquence se dessine sur ce thème au gouvernement alors qu’il prévoit nommer le nouveau patron d’Hydro-Québec entre la fin de mai et la mi-juin.

La CAQ relancera par ailleurs une revendication à l’égard d’Ottawa en matière d’immigration en réclamant « le plein contrôle par le gouvernement du Québec du programme des travailleurs étrangers temporaires ».

Reddition de comptes et rupture d’engagement

Troisième lien : une « compensation attendue »

Après avoir encaissé le choc, la ministre Martine Biron s’attend maintenant à ce que le gouvernement Legault fasse « remonter l’ascenseur » pour les citoyens de la Rive-Sud. « Je m’attends à ce que Chutes-de-la-Chaudière et la région de Chaudière-Appalaches obtiennent leur juste part du gâteau et qu’on soit compensés pour le retrait du troisième lien autoroutier », a-t-elle expliqué. Mme Biron est encore choquée d’avoir été mise devant le fait accompli et informée de la décision du gouvernement « de tirer la plogue » sur la portion du tunnel autoroutier après les maires de Québec et de Lévis.

Fanny Lévesque, La Presse