(Lévis) Après plus de dix ans d’attente, le chantier maritime Davie est officiellement intégré à la Stratégie nationale de construction navale et pourra espérer construire six nouveaux brise-glaces et un brise-glace polaire pour la garde côtière canadienne, a annoncé Ottawa. En contrepartie, Québec décaissera un demi-milliard pour aider l’entreprise à se moderniser.

« Aujourd’hui, on peut annoncer que la Davie devient le troisième fournisseur partenaire. […] Concrètement, on commence donc des négociations pour construire six brise-glaces et un brise-glace polaire », s’est félicité le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, en conférence de presse, mardi. Le contrat est évalué à près de 8,5 milliards de dollars, selon le premier ministre du Québec, François Legault.

Avec ces contrats, le nombre de travailleurs à la Davie devrait plus que doubler, passant de 700 à 1800, toujours selon M. Legault.

Le chantier maritime deviendra un véritable expert des brise-glaces. La Presse rapportait le 28 mars que l’entreprise de Lévis négocie l’achat d’un constructeur de brise-glaces détenu par des industriels russes en Finlande1.

Helsinki Shipyard Oy, un chantier naval situé dans la capitale finlandaise qui a bâti à lui seul 60 % de la flotte mondiale de brise-glaces, a confirmé que Chantier Davie Canada détenait désormais une « option exclusive » d’achat de ses installations et que des négociations étaient en cours.

« Si l’achat est complété, le transfert d’expertise de pointe en matière de brise-glaces devrait certainement améliorer la capacité de Davie de livrer les navires qu’elle doit construire à Lévis pour le Canada à temps et dans le respect des budgets », affirmait alors Paul Barrett, porte-parole de la Davie.

Exclue à l’origine

En 2011, la Davie avait été exclue de la Stratégie nationale de construction navale (SNCN). Seuls deux chantiers avaient été retenus pour la construction de grands navires : Vancouver Shipyards de Seaspan, en Colombie-Britannique, et Irving Shipbuilding à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

À l’origine, les deux entreprises avaient dû investir 500 millions pour moderniser leurs installations, « sans coût pour le gouvernement », affirme le gouvernement fédéral sur son site web.

Dans le cas de la Davie, le gouvernement du Québec va devoir mettre de l’argent, beaucoup d’argent. La modernisation du chantier de Lévis coûtera 840 millions, dont 520 millions proviendront du gouvernement provincial, a confirmé le premier ministre du Québec, François Legault. Si la Davie n’obtient pas les contrats de brise-glaces, Ottawa s’est engagé à rembourser cette somme, a précisé M. Legault.

La Presse avait révélé en 2022 que les propriétaires du chantier Davie ont discrètement changé la structure de l’entreprise, en 2020, pendant leurs négociations en vue d’obtenir 10 milliards en contrats fédéraux2. Ils ont transféré la société de contrôle d’un paradis fiscal ultraopaque – les îles Vierges britanniques – vers un autre qui l’est moins, l’île de Guernesey.

L’Association des fournisseurs de Chantier Davie rapporte de son côté que selon une étude préparée par Deloitte, « l’intégration de Davie à la SNCN a le potentiel de générer jusqu’à 21 milliards d’impact économique au Canada sur un horizon de 20 ans. La firme Deloitte prévoit notamment la création ou le maintien de 4700 emplois par Davie et un effet multiplicateur par deux dans l’économie canadienne pour chaque dollar dépensé par Davie ».

Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a expliqué que l’engagement du gouvernement du Québec à hauteur d’un demi-milliard en aide publique était nécessaire pour que la Davie puisse se moderniser, et que c’était une condition essentielle pour l’obtention des contrats fédéraux. « Étant donné l’engagement du gouvernement fédéral, le gouvernement se devait d’être là comme partenaire pour aider le Chantier », a-t-il affirmé. Il a précisé que sur les 520 millions, 194 millions sont un « investissement en équité », qui rapportera un rendement. Le reste est donné en subvention, à moins que l’entreprise ne crée pas les emplois promis. Elle devra alors rembourser la somme.

La SNCN prévoit la construction d’une cinquantaine de grands navires, dont 15 navires de combat qui doivent remplacer les destroyers de la classe Iroquois et les frégates de la classe Halifax de la Marine royale canadienne.

1 Lisez l’article publié le 28 mars dernier 2 Lisez l’article publié le 15 août 2022