(Québec) Les oppositions ont beau parler du troisième lien comme d’un « projet fantôme », les ténors du gouvernement ont réaffirmé mardi leur intention d’aller de l’avant coûte que coûte avec ce projet de bitube entre Québec et Lévis.

« Je suis toujours déterminé à faire un 3lien », a assuré le premier ministre, François Legault, lorsque questionné par les journalistes au parlement de Québec.

« D’abord, ma responsabilité comme gestionnaire de fonds publics, c’est de m’assurer qu’on regarde toutes les études à jour, entre autres les impacts du télétravail sur… Pas juste les impacts du télétravail pendant la pandémie, mais après la pandémie sur l’achalandage », a ajouté M. Legault, qui promet une mise à jour « dans les prochaines semaines ».

À peu près au même moment, au Centre des congrès de Québec, à un jet de pierre du parlement, la ministre des Transports promettait de dévoiler cette fameuse mise à jour « avant l’été assurément », probablement en avril.

« L’ensemble des données disponibles sera présenté en toute transparence à la prochaine annonce », a promis Geneviève Guilbault.

Celle-ci ne peut toutefois garantir que le gouvernement va annoncer au même moment le coût estimé du projet. « Quant au coût, il y a toujours la notion de ne pas influencer les appels d’offres. À la dernière annonce, on avait parlé de 6,5 milliards. Quand tu donnes des prix avant de lancer l’appel d’offres, des fois ça peut avoir une incidence », a fait valoir la ministre Guilbault.

La première annonce de la CAQ dans ce dossier, survenue en mai 2021, proposait un unique tunnel de 8,3 km qui frôlerait les 10 milliards de dollars. Un an plus tard, au printemps 2022, le gouvernement Legault présentait un projet de bitube à 6,5 milliards.

L’argent pleut, les routes se dégradent

Ces déclarations surviennent alors que le gouvernement annonçait mardi des investissements « historiques » dans les routes. Le ministère des Transports prévoit injecter dans les deux prochaines années 7,4 milliards dans les réseaux de transport routiers, maritimes, ferroviaires et aéroportuaires.

L’annonce n’est pas bien surprenante : le Programme québécois des infrastructures (PQI) 2023-2033 dévoilé en même temps que le budget le 21 mars annonçait déjà des dépenses records.

Il reste que ces investissements dans les routes atteignent des sommets alors que le réseau ne cesse de se détériorer. Dans son PQI, l’État note que seuls 56 % du réseau routier sont considérés comme en « bon état ».

Dans un rapport de décembre dernier, un comité d’experts indépendants mandaté par le ministère des Transports arrivait à la conclusion que « les budgets de maintien d’actifs alloués au ministère demeurent nettement insuffisants pour arrêter la dégradation des actifs du réseau routier ».

La ministre des Transports a assuré qu’en 2023, son ministère va investir 71 % de ces sommes records dans le maintien d’actifs. « On a un déficit de maintien d’actifs très important au ministère des Transports », a reconnu la ministre. Le PQI promet quant à lui que 77 % des quelque 31 milliards investis dans le réseau routier dans les 10 prochaines années le seront en maintien d’actifs.

Mme Guilbault a fait cette annonce lors du congrès de l’Association québécoise des transports (AQTr), qui compte dans ses partenaires plusieurs firmes de génie et organismes de transports en commun. Devant les congressistes, elle a dénoncé le coût élevé des travaux routiers au Québec.

« Les chantiers nous coûtent cher ici. Je le dis de manière brutale, mais tout coûte cher ici, les chantiers nous coûtent cher », a lancé Geneviève Guilbault, qui revient d’une courte tournée en Europe.

Une baisse du coût des chantiers ? Selon le comité d’experts indépendants, plusieurs facteurs militent plutôt pour une flambée des prix – les importants nouveaux projets, comme le troisième lien, étant bien sûr du lot.

« Les pénuries de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, la résurgence de l’inflation et l’annonce d’importants projets pour de nouvelles infrastructures vont accentuer la compétition pour les ressources limitées disponibles », avertissent les experts dans leur dernier rapport.

« Si l’inflation du coût des travaux devait persister de la sorte, le ministère ne serait même pas en mesure dans les prochaines années de réaliser avec ses balises budgétaires un volume de travaux de maintien d’actifs comparable à celui déjà insuffisant des dernières années », préviennent les trois experts, Sylvain Beaudry, François Chapdelaine et Louis Lévesque.

Avec Tommy Chouinard et Pierre-André Normandin, La Presse