Québec veut resserrer sa Loi sur l’hébergement touristique pour empêcher Airbnb et d’autres plateformes du genre d’annoncer des logements qui ne sont pas dûment enregistrés, comme le demandent la Ville de Montréal et d’autres municipalités.

« S’il y a des infractions, si le numéro d’enregistrement n’est pas affiché sur les plateformes, il y aura des amendes, non seulement à la plateforme, mais également aux locateurs », a affirmé la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, lundi, au cours d’un point de presse devant les ruines de l’immeuble du Vieux-Montréal où un violent incendie a fait au moins sept victimes jeudi dernier.

Actuellement, la loi exige que les logements loués à court terme à des touristes aient un numéro d’enregistrement de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ). Mais rares sont ceux qui respectent cette exigence, puisque les plateformes de location comme Airbnb publient toutes les annonces, même celles qui ne se conforment pas à la loi.

Pour s’enregistrer auprès de la CITQ, un locateur d’appartement touristique doit prouver que les règlements municipaux permettent un tel usage à l’adresse visée.

L’implantation de cette mesure empêcherait donc la publication d’annonces pour des zones interdites aux locations touristiques, comme le Vieux-Montréal.

Cette question se retrouve au centre de l’actualité parce que bon nombre des personnes disparues dans le violent brasier de jeudi avaient loué un logement sur Airbnb dans l’édifice détruit par les flammes, bien que la réglementation municipale interdise ce type d’hébergement dans tout le Vieux-Montréal.

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Le SPVM et le SIM tiendront un point de presse chaque jour à 8 h pour tenir la population au courant des derniers développements.

Airbnb « s’en lave les mains »

Un peu plus tôt, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, avait fait cette demande, en conférence de presse. Elle réclamait plus d’inspecteurs de Québec afin de faire respecter la Loi sur l’hébergement touristique, mais elle estimait qu’il incombait d’abord à Airbnb de s’assurer que les annonces diffusées sur son site soient légales.

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La mairesse de Montréal, Valérie Plante

Elle déplorait que le géant de la location en ligne « s’en lave les mains », alors que vient de survenir une « tragédie épouvantable ».

« Ce n’est pas normal qu’une entreprise ne se préoccupe pas de la légitimité des gens qui font affaire avec elle, et qu’elle déverse sa responsabilité sur les instances municipales et provinciales que les contribuables paient, a fait valoir la mairesse. Quand on y pense, c’est complètement absurde, c’est le monde à l’envers. »

Oui, on va améliorer les processus, mais les Montréalais et les Québécois n’ont pas à payer, à même leurs taxes, des inspecteurs pour une entreprise privée qui, elle, ne se conforme même pas aux lois.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Montréal et Québec semblaient se renvoyer la balle, alors que la ministre Caroline Proulx affirmait que les inspecteurs de Revenu Québec, chargés de faire respecter la Loi sur l’hébergement touristique, n’intervenaient pas dans les cas des logements illégaux à l’extérieur des zones permises, comme pour l’édifice incendié de la place d’Youville. Ses propos laissaient entendre que c’était aux municipalités de s’attaquer à ce problème.

« En dehors des périmètres où l’hébergement touristique de courte durée est permis par les municipalités, c’est leur responsabilité de faire enquête, c’est à elles de dénoncer l’illégalité de ce type d’hébergement là », a-t-elle dit.

Or, son cabinet est intervenu en soirée pour corriger le tir et reconnaître que les inspecteurs de Revenu Québec étaient bien ceux qui devaient intervenir pour sanctionner les locateurs des logements annoncés sur Airbnb sans numéro de la CITQ.

La mairesse Plante et la ministre Proulx ont prévu de se rencontrer rapidement, avec la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, pour discuter de la façon de s’attaquer à la location touristique illégale, qui est aussi dénoncée par les organismes de défense des locataires en raison de son impact sur la crise du logement.

« Équipe de choc »

En attendant que ces changements législatifs soient implantés, trois arrondissements montréalais, Ville-Marie, le Sud-Ouest et le Plateau-Mont-Royal, se préparent à mettre sur pied une escouade qu’ils partageront, pour débusquer les locations illégales.

La coordonnatrice de cette future équipe, qui devrait compter quatre ou cinq inspecteurs à ses débuts, est entrée en poste lundi.

« Ce qu’on veut faire, c’est être capables de monter une preuve béton qui pourra être présentée en cour, et s’arrimer avec le gouvernement du Québec pour travailler de façon concertée. Ça sera vraiment une équipe de choc pour les trois arrondissements », explique le maire de l’arrondissement du Sud-Ouest, Benoit Dorais, qui est aussi responsable de l’habitation au comité exécutif.

Les amendes imposées aux contrevenants seront aussi plus salées, pour ceux qui violent le règlement de zonage, ajoute le maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Rabouin. « On est allé au maximum permis, soit 2000 $, pour que ce soit vraiment dissuasif », explique-t-il. Cette amende s’ajouterait à celle imposée par Québec, qui peut varier entre 3500 $ et 25 000 $.

M. Rabouin déplore le « fléau » des locations illégales dans son arrondissement, qui retire des logements du marché de la location à long terme et provoque des nuisances au voisinage. Mais il souligne que les propriétaires qui louent leur résidence principale occasionnellement peuvent toujours le faire, dans tous les secteurs, pourvu qu’ils aient leur numéro d’enregistrement de la CITQ.

Appelée à commenter la polémique et le drame survenu dans le Vieux-Montréal, Airbnb s’est contentée d’une déclaration laconique. « Nous sommes de tout cœur avec les victimes de cette tragédie, avec leurs familles et leurs proches. Nous offrons notre appui à ceux qui sont touchés et nous collaborons à l’enquête des autorités. Nous sommes aussi en discussion avec le cabinet de la mairesse », a indiqué Nathan Rotman, directeur d’Airbnb pour le Canada, dans un message transmis par courriel.

Lisez « Des centaines de logements Airbnb illégaux dans le Vieux-Montréal »
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  • 14 000
    Nombre d’annonces publiées sur Airbnb à Montréal
    SOURCE : inside Airbnb
    2342
    Nombre d’inspections réalisées par Revenu Québec dans toute la province depuis le 1er avril 2022
    SOURCE : Revenu Québec