(Québec) Ottawa a transféré vers l’Ontario la vaste majorité des demandeurs d’asile qui ont traversé la frontière par le chemin Roxham, le week-end dernier. Québec souhaite que cette nouvelle approche dure dans le temps, alors que le premier ministre François Legault fait pression sur l’ambassadeur des États-Unis au Canada et le maire de New York dans l’espoir de juguler le flot de demandeurs d’asile.

La ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a affirmé mardi que le transfert de demandeurs d’asile vers d’autres provinces était nécessaire. La capacité d’accueil du Québec est dépassée, a-t-elle dit. La province souhaite accueillir pour les années à venir l’équivalent de son poids démographique au pays en demandeurs d’asile.

« Le fédéral nous indique que depuis samedi, les demandeurs d’asile qui sont arrivés au Québec ont été redirigés vers d’autres provinces, à quelques exceptions près. On est vraiment très content parce que ça montre qu’on peut avoir des résultats. […] Je n’ai pas les précisions quant à la logistique de la chose. On espère que ça va se maintenir dans le temps et que ça va être la nouvelle approche de gestion de la frontière », a déclaré Mme Fréchette.

Samedi et dimanche, 380 personnes ont traversé la frontière par le chemin Roxham, en Montérégie. De ce nombre, huit seulement sont restées au Québec. Les autres demandeurs d’asile ont été envoyés vers l’Ontario, où un parc de chambres hôtelières a été réservé, a dit la ministre de l’Immigration.

« On s’attend à ce que cette nouvelle approche perdure dans le temps et fasse en sorte que l’ensemble des futurs demandeurs d’asile soient redirigés vers d’autres provinces, parce que la capacité d’accueil du Québec est dépassée. […] On demande à ce que la proportion des demandeurs d’asile qui restent au Québec équivaille au poids [démographique] du Québec à l’intérieur du Canada. On parle de 22 à 23 %. Là, on serait dans des eaux qui sont acceptables », a ajouté Mme Fréchette.

Le cabinet du ministre fédéral de l’Immigration, Sean Fraser, a affirmé mardi qu’il travaillait avec toutes les provinces concernant le flot de demandeurs d’asile au pays selon leur capacité d’accueil. Les demandeurs d’asile ont également le choix de refuser d’être redirigés vers d’autres provinces quand on leur propose, a-t-on souligné. Ottawa n’était pas en mesure d’affirmer s’il allait offrir à nouveau dans les prochaines semaines aux demandeurs d’asile de quitter le Québec pour s’établir dans une autre province, le temps que leur dossier soit traité.

Québec fait pression sur Washington

Mardi, le premier ministre François Legault a rencontré à son bureau de Québec l’ambassadeur des États-Unis David Louis Cohen pour lui signifier « l’urgence d’amender l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis pour inclure les points d’entrée comme Roxham ».

Selon cette entente, les demandeurs d’asile sont tenus de demander la protection du premier pays dans lequel ils entrent, à savoir le Canada ou les États-Unis. Seuls les points de passage officiels sont toutefois soumis à cette entente. Ceux qui sont dits irréguliers, comme le chemin Roxham, ne le sont pas.

L’an dernier, 39 171 demandeurs d’asile ont été interceptés au chemin Roxham. Un sommet a été atteint en décembre avec 4689 interceptions, 26 % d’augmentation par rapport au mois précédent.

Ottawa dit poursuivre les discussions pour modifier l’entente, mais il ne s’attend pas à ce qu’un nouvel accord soit conclu à l’occasion de la visite du président des États-Unis, Joe Biden, en mars.

Après la rencontre avec M. Legault, l’ambassadeur des États-Unis a confirmé sur Twitter qu’il a entendu son message au sujet des frontières et de l’entente. « C’est bon de voir le premier ministre @francoislegault aujourd’hui et de discuter des domaines de collaboration pour faire avancer les objectifs canado-américains en matière d’énergie propre, de commerce et de nos frontières communes, y compris le plaidoyer du premier ministre pour la modification de l’Entente sur les tiers pays sûrs », a-t-il écrit.

François Legault a également envoyé un message au maire de New York, Eric Adams, pour lui demander de cesser d’aider les migrants à se rendre près de la frontière canadienne.

On apprenait la semaine dernière que la Ville offrait des billets d’autocar gratuits aux demandeurs d’asile qui souhaitent quitter la mégapole, incluant vers Plattsburgh, à 45 km du célèbre chemin Roxham. La nouvelle, publiée le lundi 6 février dans le New York Post, a créé une onde de choc au Québec.

« Toute forme d’assistance à ce que des migrants traversent la frontière à un endroit où c’est strictement interdit de le faire devrait cesser immédiatement », soutient le cabinet du premier ministre dans une déclaration qui a également été publiée dans le tabloïd new-yorkais lundi.

« Nous comprenons que la situation des migrants à New York pose des défis majeurs, mais la situation au Québec et particulièrement à Montréal est excessivement difficile, ajoute-t-on. Le Québec a dépassé sa capacité d’accueil et il s’agit d’un enjeu humanitaire important. Le Québec réitère sa demande pour que le gouvernement du Canada renégocie l’Entente avec les tiers pays sûrs pour que cesse cette situation intenable. »

Le maire Adams s’est défendu dans une entrevue à CNN d’encourager les migrants à se rendre au Canada. La Ville ne fait que les aider à réaliser leur souhait, a-t-il plaidé en substance.