(Québec) Paul St-Pierre Plamondon demande à Québec d’encercler une « date butoir » face à Ottawa pour qu’il ferme le chemin Roxham, à défaut de quoi la Sûreté du Québec (SQ) bloquerait la route du côté québécois de la frontière pour créer une « enclave » face aux demandeurs d’asile. Le gouvernement Legault a rapidement tourné cette suggestion au ridicule.

Le chef du Parti québécois (PQ) a précisé mardi ses demandes au gouvernement Legault, alors que La Presse révélait que le nombre d’enfants seuls qui traversent la frontière a augmenté depuis le début de la pandémie.

« Je trouve ça vraiment crève-cœur comme nouvelle. Rappelons que ce qui amène les gens à passer par Roxham, ce sont des réseaux de passeurs criminels, ce qui soulève la question sur ce qui attend ces enfants-là de l’autre côté de la frontière », a d’abord réagi M. St-Pierre Plamondon.

Le chef péquiste a ensuite été questionné sur une motion que son parti a déposée la semaine dernière et qui demandait à Québec de fermer lui-même le chemin Roxham, si Ottawa ne le faisait pas.

« Si le gouvernement fédéral, après six ans d’opération, après avoir institutionnalisé ce passage-là, après avoir fait la promotion de ça sur Twitter, a l’intention d’en faire une manière permanente de fonctionner, il faudra une intervention de la part du gouvernement du Québec », a réitéré M. St-Pierre Plamondon. Il demande à Ottawa de suspendre l’entente sur les tiers pays sûrs pour permettre aux demandeurs d’asile de présenter leur demande à un poste frontalier.

Si le gouvernement fédéral n’agit pas, le PQ insiste pour que la SQ, qui a « la compétence en matière de chemins », bloque son accès.

« À ce moment-là, le chemin Roxham devient une enclave gérée par le fédéral et les donateurs du Parti libéral du Canada. Il devient inutilisable parce qu’on a la compétence en matière de chemins », a martelé M. St-Pierre Plamondon.

Québec met de la pression sur Ottawa

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre de l’Immigration, Christine Fréchette

En réponse à cette proposition, la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a accusé le chef péquiste de vivre « dans un monde parallèle ».

« Le PQ propose d’envoyer la SQ au chemin Roxham pour faire en sorte de dire à la [Gendarmerie royale du Canada] “tasse-toi, à partir de maintenant, c’est moi qui gère la frontière” ? Il y a des champs de compétence qui sont à respecter et la gestion des frontières est assumée par le fédéral. Nous, on met de la pression sur le gouvernement canadien pour faire en sorte qu’il règle cet enjeu », a-t-elle dit.

« [Paul St-Pierre Plamondon] est pas mal dans le champ. La SQ peut se promener et arrêter des gens […], mais sur quelle base ? S’il y avait infraction pour des véhicules qui circulent sur le chemin Roxham, oui, mais au-delà de tout ça, il y a des enfants qui traversent Roxham. On fait quoi là avec ces enfants qui sont seuls ? », a questionné le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel.

La semaine dernière, Mme Fréchette a aussi affirmé que de fermer le chemin Roxham, d’où arrivent les demandeurs d’asile qui traversent la frontière des États-Unis vers le Canada, en Montérégie, serait « dangereux ».

« Le chemin Roxham, s’il est fermé, il va simplement s’en recréer un autre quelques kilomètres plus loin. Ça ne règle absolument rien que de proposer de [le] fermer », a-t-elle dit avant de se rétracter, quelques heures plus tard, puisque le premier ministre François Legault demande depuis des mois à Ottawa de fermer le chemin.

La Presse a également rapporté que l’arrivée des demandeurs d’asile fait bondir le nombre de prestataires de l’aide sociale en raison du temps que prend le fédéral à délivrer des permis de travail. Le gouvernement Legault exige qu’Ottawa assume les coûts engendrés et qu’il renégocie avec l’administration du président américain Joe Biden l’entente sur les tiers pays sûrs.

À l’heure actuelle, seuls les points de passage officiels sont soumis à l’entente, ce qui mène les demandeurs d’asile qui veulent entrer au Canada à passer par un chemin irrégulier, comme le chemin Roxham.

Tanguay compare le PQ à Trump

Le chef par intérim du Parti libéral du Québec (PLQ), Marc Tanguay, a accusé mardi son vis-à-vis péquiste de traiter de l’enjeu du chemin Roxham comme Donald Trump l’aurait fait, du temps de sa présidence aux États-Unis.

« Je trouve ça assez difficile à accepter qu’un parti politique comme le Parti québécois dise “on ferme le chemin Roxham”. Ils vont faire quoi ? Ils vont envoyer la SQ arrêter les gens ? […] Voyons. Ça n’a pas de bon sens », a affirmé M. Tanguay.

« Le Parti québécois, quand il dit qu’on devrait empêcher [les gens] de passer, à toute fin pratique, ils disent qu’on devrait faire un mur. […] Ça me rappelle les politiques de Trump », a-t-il ajouté.

Pour leur part, les libéraux demandent à Ottawa de renégocier l’entente sur les tiers pays sûrs afin qu’elle s’applique à l’ensemble de la frontière, plutôt qu’aux seuls points frontaliers officiels.

« Les États-Unis ne peuvent pas uniquement être une terre de transition », a dit M. Tanguay. D’ici à ce qu’une négociation aboutisse, le chef libéral demande à Ottawa d’accélérer le traitement des demandes d’asile.

Éviter la multiplication de chemins clandestins

Le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, souhaite pour sa part que l’entente qui lie le Canada aux États-Unis soit suspendue afin que les demandeurs d’asile passent à l’avenir par un poste frontalier afin d’entrer au pays.

« Si on arrivait à fermer unilatéralement le chemin Roxham demain matin, une des conclusions malheureuses qui se produirait sans doute, c’est qu’il y aurait d’autres chemins clandestins qui feraient leur apparition, peut-être encore moins encadrés. Ça deviendrait même difficile de documenter les gens qui rentrent sur le territoire du Québec et du Canada », a-t-il dit.

« J’entendais M. Plamondon, qu’est-ce qu’il va faire lui ? Une clôture ? La police ? Il ne le dit pas. Ce n’est pas clair. C’est facile de faire de la politique sur le dos du chemin Roxham. C’est plus compliqué de proposer des solutions pragmatiques qui vont fonctionner et protéger les gens », a ajouté M. Nadeau-Dubois.

Avec Fanny Lévesque, La Presse