(Ottawa) Le suspense va durer jusqu’à mardi prochain. La ministre des Finances Chrystia Freeland s’est abstenue vendredi de divulguer à ses homologues provinciaux la somme supplémentaire qu’Ottawa est prêt à investir annuellement dans les soins de santé afin d’aider les provinces à rebâtir les réseaux de la santé, grandement affaiblis à la suite de la pandémie de COVID-19.

Au terme d’une rencontre des grands argentiers du pays à Toronto, Mme Freeland a indiqué que le premier ministre Justin Trudeau présentera les détails de l’offre fédérale mardi prochain quand il rencontrera ses homologues provinciaux à Ottawa.

Ce refus de mettre sur la table quelque chiffre que ce soit a irrité quelque peu le ministre des Finances du Québec, Eric Girard. « Il est temps de voir les chiffres » a-t-il laissé tomber lors d’une conférence de presse à l’issue de la rencontre.

Front commun des provinces

Depuis plusieurs mois, les provinces font front commun pour réclamer une hausse substantielle des transferts en santé de 28 milliards de dollars par année. Selon les calculs des provinces, cela permettrait de faire en sorte qu’Ottawa paie 35 % des coûts des soins de santé au pays, comparativement à 22 % aujourd’hui.

Le gouvernement Trudeau a déjà fait savoir qu’il n’a pas l’intention d’accéder à cette demande, allant jusqu’à souligner que les provinces ont une capacité financière suffisante à court terme pour investir davantage dans système de santé si elles le souhaitent.

Le gouvernement fédéral conteste d’ailleurs la méthode de calcul et soutient qu’il paie déjà 35 % des coûts si l’on tient compte des points d’impôts transférés aux provinces dans les années 1970.

Rappelons que l’entente que souhaite conclure le gouvernement Trudeau serait d’une durée de 10 ans. Parallèlement, Ottawa entend signer des accords bilatéraux avec chacune des provinces afin de tenir compte de leurs besoins. Certaines provinces pourraient ainsi utiliser cet argent pour leurs priorités respectives en matière de soins de santé, comme la santé mentale, les soins primaires, ou encore s’attaquer plus rapidement à la liste d’attente en chirurgie.

Compromis

À l’issue de la rencontre, vendredi, Mme Freeland a affirmé que le gouvernement fédéral est prêt à délier les cordons de sa bourse afin d’augmenter les transferts en santé aux provinces. « Je pense qu’il est clair pour tous les Canadiens que nous devons investir dans notre système de soins de santé et nous nous sommes engagés pendant la campagne électorale à le faire et nous honorerons ces engagements », a dit la ministre.

Mais en retour, Ottawa demandera aux provinces de délier les cordons de leur bourse respective pour que la Canada puisse concurrencer les États-Unis et obtenir sa part d’investissements dans les énergies propres que veulent faire les grandes entreprises.

Mme Freeland a fait savoir que ces deux dossiers seront les piliers de son prochain budget fédéral qui devra être marqué du sceau de la rigueur en raison de l’incertitude qui plane sur l’économie mondiale et l’inflation qui demeure élevée.

« C’est important pour moi d’être franche, d’être ouverte qu’on a ces deux grands dossiers dans lesquels on doit investir et on va investir », a affirmé la ministre. « Mais en même temps, l’économie mondiale ralentit et on sera plus limité à cause de cela ».

Elle a soutenu que l’année 2023 sera déterminante quant aux investissements dans les énergies vertes que pourra décrocher le Canada de la part des grandes entreprises. Les États-Unis, en adoptant le Réduction Inflation Act qui comprend des incitatifs financiers colossaux pour attirer des capitaux des investisseurs, ont établi le terrain de jeu. Le Canada devra en faire autant s’il ne veut pas se contenter de miettes, a-t-elle averti.

« Nous allons devoir en faire plus à ce chapitre. Nous sommes à un moment où des décisions d’investissement très spécifiques sont prises sur des projets très spécifiques. Je ne peux insister assez pour dire à quel point je crois que nous devons saisir cette occasion et construire l’économie propre du 21e siècle », a-t-elle plaidé.

Elle a fait valoir qu’Ottawa et les provinces doivent faire front commun dans ce dossier, évoquant la nécessité de former « une Équipe Canada ».

« Il y a une course mondiale en cours en ce moment. Le coup de départ a été tiré pour construire l’économie propre du 21e siècle. Je ne peux pas trop insister sur l’importance que représente l’année 2023 quand il s’agit d’attirer ce capital. Une fois que vous obtenez ces gros investissements, ce sont des projets à très long terme. Une fois qu’ils sont ici, ils vont être ici à long terme, et cela va nous donner les emplois, la technologie, la chaîne d’approvisionnement. »

Invité à commenter les propos de Mme Freeland, le ministre des Finances Eric Girard a soutenu que le Québec a déjà des outils pour attirer des investissements étrangers et que la stratégie du gouvernement Legault consiste à évaluer les mérites et les retombées de chaque projet.