(Québec) La ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a affirmé jeudi que de fermer le chemin Roxham, d’où arrivent les demandeurs d’asile qui traversent la frontière des États-Unis vers le Canada, en Montérégie, serait « dangereux ». C’est pourtant ce que réclame François Legault depuis un bon moment. « Je veux mettre quelque chose au clair : Roxham, il faut que ça ferme », s’est finalement rétractée Mme Fréchette.

Le Parti québécois (PQ) a déposé jeudi au Salon bleu une motion qui réclame au gouvernement fédéral « de fermer le chemin Roxham dans les plus brefs délais et de faire en sorte que l’accueil à un poste frontalier officiel soit à l’avenir l’unique processus régulier d’accueil des demandeurs d’asile ». Le parti de Paul St-Pierre Plamondon demande à Québec d’encercler « une date butoir », à défaut de quoi « le gouvernement québécois interviendra lui-même pour assurer la fermeture du chemin ». La motion n’a pas été adoptée.

En matinée, Mme Fréchette a écarté d’un revers de main la demande des péquistes, alors que le premier ministre réclame lui-même la fermeture du chemin Roxham. Selon la ministre de l’Immigration, « le chemin Roxham, s’il est fermé, il va simplement s’en recréer un autre quelques kilomètres plus loin. Ça ne règle absolument rien que de proposer de [le] fermer ».

« Ça serait dangereux, effectivement, parce que ça [ferait] en sorte de passer à travers des chemins qui ne sont pas balisés, comme l’est maintenant le chemin Roxham. Donc, ça rend la traversée encore plus périlleuse pour des demandeurs d’asile. Donc, pour nous, c’est important de renégocier l’entente [sur les tiers pays sûrs] », a-t-elle ajouté.

Après la période de questions, Christine Fréchette est brièvement revenue devant la presse parlementaire pour s’expliquer. Elle a alors contredit ce qu’elle avait affirmé quelques heures plus tôt.

« Roxham, il faut que ça ferme. Je l’ai dit la semaine dernière : Roxham, basta ! On en a assez de ce flot incessant de demandeurs d’asile qui rentrent de manière irrégulière. Maintenant, la gestion de la frontière canado-américaine, elle est sous la responsabilité du gouvernement canadien. C’est à lui de décider de quelle manière on va en venir à cet objectif de fermeture de Roxham », a-t-elle dit.

En point de presse, François Legault a assuré que sa ministre de l’Immigration et lui-même étaient sur la même longueur d’onde, même si Mme Fréchette avait contredit la demande du Québec de fermer le chemin Roxham en début de journée.

« C’est certain que dans un monde idéal, il faudrait s’assurer que ça s’applique sur toute la frontière. Actuellement, il y a 36 000 [demandeurs d’asile] qui sont rentrés [l’an dernier] par le chemin Roxham. Je crois qu’il y a une urgence de s’assurer de bloquer le chemin Roxham et ça, c’est la responsabilité du gouvernement fédéral », a dit le premier ministre.

La SQ doit-elle patrouiller à la frontière ?

Pour sa part, le député péquiste Pascal Bérubé n’a pas été en mesure d’expliquer comment le Québec fermerait lui-même une frontière internationale qui ne relève pas de sa compétence, comme le réclamait la motion que son parti a déposée au Salon bleu.

« À terme, le gouvernement québécois pourrait décider que la Sûreté du Québec contrôle la frontière québécoise », a-t-il dit, sans préciser comment le corps policier s’y prendrait.

« C’est inusité dans l’histoire du Québec, mais c’est une prise de conscience que le Québec ne contrôle pas ses frontières, ne contrôle pas qui rentre ici, le nombre de personnes, dans quelles conditions. Je sais que ces questions-là sont difficiles pour certains, pas pour nous. Je pense qu’il faut dire les choses comme elles sont », a ajouté M. Bérubé.

Sur ce point, la ministre Fréchette a répondu au député péquiste en rappelant que « la gestion des frontières, ça relève du fédéral ».

« Donc en soi, on n’a pas la capacité de s’improviser gestionnaires de la frontière canado-américaine. Ça ne relève pas de nos compétences. C’est au fédéral d’assumer cette compétence et d’assumer ses responsabilités [afin] de faire en sorte que le poids qui pèse sur le Québec, du fait de l’arrivée massive de demandeurs d’asile, soit réduit », a-t-elle répliqué.

« Le Parti québécois propose de faire quoi, de bâtir un mur ? Sur quelle distance ? […] Si la solution, c’était de fermer le chemin Roxham, si c’était aussi simple que ça, ça se saurait », a pour sa part affirmé le chef par intérim du Parti libéral, Marc Tanguay.

La Presse a rapporté ce jeudi que l’arrivée de ces personnes faisait bondir le nombre de prestataires de l’aide sociale en raison du temps que prend le fédéral à délivrer des permis de travail. Le gouvernement Legault exige qu’Ottawa assume les coûts engendrés et qu’il renégocie avec l’administration du président américain Joe Biden l’entente sur les tiers pays sûrs.

À l’heure actuelle, seuls les points de passage officiels sont soumis à l’entente, ce qui mène les demandeurs d’asile qui veulent entrer au Canada à passer par un chemin irrégulier, comme le chemin Roxham.