(Ottawa) Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, rencontrera Amira Elghawaby ce mercredi à Ottawa. La nouvelle représentante fédérale de la lutte contre l’islamophobie a soulevé la controverse pour avoir déjà écrit que la « majorité des Québécois » semblaient « influencés par un sentiment antimusulman ». Le premier ministre Justin Trudeau continue de défendre sa nomination alors que d’autres de ses écrits controversés refont surface.

Le chef bloquiste avait exprimé son souhait lundi de rencontrer Mme Elghawaby pour lui permettre de s’expliquer. « On verra s’il y a lieu d’y aller en effet avec la demande d’une démission », avait-il dit.

Justin Trudeau s’était engagé ensuite à faciliter cette rencontre. Il estime toujours qu’Amira Elghawaby est la bonne personne pour mener la lutte contre l’islamophobie au pays. Les propos de la nouvelle représentante spéciale ont tout de même suscité un certain malaise dans les rangs libéraux.

Toujours « profondément blessé par ses propos », le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a également sollicité une rencontre avec elle qui doit avoir lieu jeudi. « Sa job, c’est de trouver un dialogue. Moi, je suis prêt à discuter », a-t-il affirmé en mêlée de presse mardi.

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Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien

Il n’a pas voulu se prononcer sur de nouveaux écrits controversés signés par Mme Elghawaby. La chroniqueuse avait notamment fait le lien dans le Toronto Star en 2013 entre les Québécois et une citation tirée du livre A Fair Country de John Ralston Saul où il décrivait dans le monde occidental du XIXsiècle « la crainte de la perte de pureté – sang pur, race pure, traits et valeurs nationaux purs et liens ».

« Il aurait pu autant écrire sur le Québec d’aujourd’hui », avait-elle affirmé dans ce texte qui critiquait la charte des valeurs présentée à l’époque par le gouvernement péquiste de Pauline Marois.

Trudeau persiste et signe

Malgré les déclarations controversées qui s’accumulent depuis près d’une semaine, le premier ministre Justin Trudeau continue de défendre sa nomination.

« J’appuie à 100 % Amira Elghawaby », a-t-il affirmé à son entrée pour la réunion hebdomadaire du Cabinet mardi.

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Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« Elle a démontré tout au long de ses années de travail une sensibilité, une ouverture et une rigueur dont on a besoin maintenant, a-t-il ajouté. Je comprends que faire face à l’islamophobie, ça va exiger des conversations importantes et parfois difficiles, mais on a besoin de quelqu’un qui s’y connaît, qui est ancré à fond, et je sais que c’est la bonne personne. »

« C’est important qu’elle apporte cette nuance pour clarifier sa pensée », a réagi le président et directeur de l’Association des études canadiennes, Jack Jedwab, qui avait commandé le sondage sur lequel Mme Elghawaby s’était appuyée dans une chronique pour dénoncer la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21).

« Sentiment antimusulman »

Amira Elghawaby écrivait dans le quotidien Ottawa Citizen en juillet 2019 que « la majorité des Québécois semblent influencés non pas par la primauté du droit, mais par un sentiment antimusulman ». Son cosignataire et elle s’étaient appuyés sur un sondage Léger réalisé en mai 2019, selon lequel 88 %⁠1 des Québécois qui avaient une perception négative de l’islam appuyaient cette loi du gouvernement Legault.

« Ailleurs au Canada, c’est similaire », note-t-il. Par exemple, le même sondage indique que 68 % des Ontariens qui ont une opinion négative des musulmans appuient aussi l’interdiction du port de signes religieux par les enseignants. Reste que le pourcentage est plus important au Québec.

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Amira Elghawaby

Dans une entrevue avec La Presse, la semaine dernière, Mme Elghawaby avait soutenu que sa chronique avait été mal comprise. « Je veux être très claire. Je ne crois pas que la vaste majorité des Québécois sont islamophobes », avait-elle affirmé.

« À la place de discuter du vrai problème, on discute de comment quelqu’un a discuté du problème, a déploré en entrevue le directeur du Congrès national des musulmans canadiens, Stephen Brown. Le fond du débat c’est : est-ce que c’est acceptable d’enlever des droits à des minorités parce qu’il y a une grande proportion de la population qui a un malaise avec leur mode de vie ? »

L’organisme, qui se veut la voix des musulmans partout au pays, continue de soutenir la nomination « historique » de Mme Elghawaby alors qu’il constate une montée des crimes haineux envers les musulmans depuis quelques années.

⁠1 Après vérification, c’est plutôt 86 % des répondants à ce sondage qui ont une perception très négative des musulmans et qui sont en désaccord avec le port de signes religieux par les enseignants.