(Québec) Le premier ministre Justin Trudeau « vient cautionner le mépris envers les Québécois » en déclarant qu’il « appuie à 100 % Amira Elghawaby », la nouvelle représentante fédérale de la lutte contre l’islamophobie, soutient François Legault.

Son gouvernement a exigé la démission de Mme Elghawaby lundi parce qu’elle « n’a fait que tenter de justifier ses propos odieux » au lieu de les retirer et de s’excuser. Elle a déjà écrit que la « majorité des Québécois » semblaient « influencés par un sentiment antimusulman ». L’Assemblée nationale a également adopté une motion qui demande à Ottawa de mettre fin à son mandat. La Coalition avenir Québec (CAQ), le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti québécois (PQ) ont voté pour, Québec solidaire (QS) s’est abstenu de voter.

À Ottawa, Justin Trudeau a défendu mardi sa nomination, estimant que Mme Elghawaby est la bonne personne pour mener la lutte contre l’islamophobie au pays. « J’appuie à 100 % Amira Elghawaby », a affirmé M. Trudeau à son entrée pour la réunion hebdomadaire du cabinet.

« M. Trudeau en la gardant en poste, il vient cautionner le mépris envers les Québécois », a réagi François Legault, déplorant que Mme Elghawaby ne se soit « pas excusée ».

« Je n’en reviens pas que M. Trudeau nous dise qu’il l’appuie à 100 % après tout ce qu’elle a dit, tout le mépris qu’elle a montré envers les Québécois », a ajouté le premier ministre avant de se rendre au Salon bleu pour la première période des questions de la session parlementaire.

« On ne les gagnera pas toutes », dit Roberge

Le ministre responsable de la Laïcité, Jean-François Roberge, affirme pour sa part que le gouvernement du Québec ne remportera pas tous ses combats face à Ottawa, le dernier concernant la nomination controversée d’Amira Elghawaby au poste de représentante fédérale de la lutte contre l’islamophobie.

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Le ministre responsable de la Laïcité, Jean-François Roberge

« On ne les gagnera pas toutes, comme on dit », a affirmé le ministre. « On va dealer avec », a renchéri le ministre responsable de la Lutte contre le racisme, Christopher Skeete.

En mêlée de presse en ce premier jour de rentrée parlementaire à Québec, M. Roberge a accusé Ottawa d’être passé « à côté d’une belle occasion de bâtir des ponts » et d’avoir plutôt « creusé des fossés. »

« J’espérais qu’au gouvernement libéral fédéral, ils allaient prendre note de la position du Québec. Malheureusement, M. Trudeau persiste et signe. On est capable de combattre le racisme, le sexisme et toutes formes de discriminations au Québec sans l’aide du gouvernement fédéral », a affirmé M. Roberge.

Le ministre de la Laïcité a également critiqué Québec solidaire (QS), lundi, alors que le nouveau député de la circonscription de Maurice-Richard à Montréal, Haroun Bouazzi, a affirmé sur Twitter que le gouvernement voulait faire diversion, avec la controverse concernant Mme Elghawaby, afin de masquer ses échecs en santé, en éducation et en matière d’environnement.

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Haroun Bouazzi

« C’est la rentrée à l’[Assemblée nationale] et le gouvernement de la CAQ n’a pas de plan clair pour la transition énergétique juste, pour l’école publique, pour la crise dans nos hôpitaux ? Les stratèges de Legaut : “Regardez ! Là ! Une femme qui porte un voile !” #diversion #voilerlincompetance (sic) », a écrit M. Bouazzi sur Twitter.

Jean-François Roberge a répliqué : « Quand les Québécois se font insulter par le gouvernement fédéral, tous les députés de l’État québécois doivent se lever. Ce n’est pas une diversion, c’est une question de fierté nationale ».

Des rencontres avec Mme Elghawaby

Plus tôt mardi, à Ottawa, le premier ministre fédéral Justin Trudeau a une fois de plus défendu la nomination d’Amira Elghawaby, qui soulève la controverse depuis plusieurs jours en raison de ses prises de position passées où elle affirmait que la « majorité des Québécois » semblaient « influencés par un sentiment antimusulman ». Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, rencontrera la représentante fédérale en matière de lutte contre l’islamophobie pour qu’elle clarifie sa pensée.

Dans une entrevue avec La Presse, la semaine dernière, Mme Elghawaby avait défendu que sa chronique eût été mal comprise. « Je veux être très claire. Je ne crois pas que la vaste majorité des Québécois sont islamophobes », avait-elle affirmé. La représentante fédérale contre l’islamophobie avait ensuite expliqué qu’elle s’était appuyée dans sa chronique sur un sondage Léger qui affirmait que 88 % des Québécois qui avaient une perception négative de l’islam appuyaient la loi 21 sur la laïcité de l’État.

À Québec, l’opposition a unanimement dénoncé mardi les propos tenus par Amira Elghawaby par le passé. « Les propos tenus par Mme Elghawaby nous ont choqués, sont inacceptables. Il est nécessaire, c’est une condition sine qua non, qu’elle s’excuse », a déclaré le chef par intérim du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay.

« Ne demandez pas à madame de quitter. Quittons, nous, ce pays-là. C’est une démonstration supplémentaire que ce pays n’est pas le nôtre », a déclaré Pascal Bérubé.

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Pascal Bérubé

Du côté de Québec solidaire, le chef parlementaire Gabriel Nadeau-Dubois a affirmé que son parti sollicitera une rencontre avec la représentante fédérale. « Les Québécois et les Québécoises, en général, on ne peut pas leur accoler une étiquette. Le peuple québécois, la nation québécoise, n’est pas monolithique. Et c’est ce qui transparaît des propos de Mme Elghawaby. Et c’est pour ça qu’on est en désaccord, puis pas juste un désaccord. C’est sûr que c’est des propos qui sont blessants parce que ça met tout le monde dans le même panier », a-t-il dit.

Avec Mylène Crête, La Presse, à Ottawa