Le premier ministre Justin Trudeau ne manifeste pas l’intention d’accéder à la demande du chef conservateur Pierre Poilievre, qui exige que l’on dépouille Amira Elghawaby de son poste de représentante spéciale de la lutte contre l’islamophobie du Canada.

Le gouvernement Trudeau est sur la sellette depuis qu’il a nommé, jeudi, la militante et ex-journaliste Amira Elghawaby à ce nouveau poste. Une levée de boucliers a suivi au Québec puisque celle-ci avait écrit en 2019 dans l’Ottawa Citizen que les Québécois semblaient « influencés par un sentiment antimusulman ».

Dans une vidéo publiée vendredi sur les réseaux sociaux, le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, a reproché à Mme Elghawaby des propos « anti-Québec », contre le « peuple juif » et contre des « policiers », et il a réclamé le retrait de sa nomination à ce « poste très important dans le gouvernement ».

« Ce n’est pas en nommant une telle personne à un poste qu’on va pouvoir unir le pays », a-t-il dénoncé.

Invité à réagir à la sortie de son adversaire en marge de la rencontre de son caucus, samedi, le premier ministre Trudeau s’est borné à dire qu’il avait « hâte d’être avec elle demain [dimanche] à Sainte-Foy ». On en déduit que la représentante participera à la cérémonie de commémoration de l’attentat à la grande mosquée de Québec.

Si plusieurs ministres québécois comme Pablo Rodriguez et François-Philippe Champagne ont fait part de leur malaise face au choix de Mme Elghawaby, certains de leurs collègues, notamment de l’Ontario, l’ont salué.

C’est le cas du ministre des Transports, Omar Alghabra. « Le processus de sélection du gouvernement visait à trouver la meilleure personne pour le poste. Elle a un CV impeccable […] alors oui, elle est incroyablement qualifiée. Et il faut lui donner une chance », plaide-t-il en entrevue.

« Je sais que dans le passé, elle a dit des choses difficiles à entendre pour le Canada et le Québec, enchaîne le ministre ontarien. Mais il faut écouter les voix de ceux qui sont affectés par la loi 21 [Loi sur la laïcité de l’État] : il y a des conséquences auxquelles de nombreux Québécois n’ont pas réfléchi ou dont ils ne tiennent pas compte. »

La controverse se poursuit

Affirmant qu’il n’était « pas d’accord avec ses propos » sur les Québécois, le premier ministre Justin Trudeau avait invité vendredi après-midi Mme Elghawaby à clarifier sa pensée. « Je ne crois pas que les Québécois sont islamophobes », a déclaré la principale intéressée sur les réseaux sociaux peu après.

La tempête ne s’est pas calmée pour autant samedi, alors que d’autres politiciens se sont aussi prononcés sur la question.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a lancé sur Twitter : « On ne “retire” pas des paroles – elle les a dites – au mieux on avoue avoir été odieux. » Dans la foulée, il a affirmé que cette nomination avait été faite en toute connaissance de cause. « Je ne crois pas un instant que Justin Trudeau l’ait nommée à un poste si sensible sans vérifier ses publications. Allons ! »

Une vision partagée par le porte-parole du Bloc québécois en matière de laïcité, Martin Champoux. « S’il [Justin Trudeau] veut bâtir des ponts, pourquoi nommer quelqu’un qui creuse des fossés ? », a-t-il écrit sur Twitter.

Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, s’est aussi mêlé au débat. « En matière de discrimination, d’amalgames et d’intolérance, madame Elghawaby n’est pourtant pas un modèle, a-t-il gazouillé. Ces propos anti-québécois sont totalement inacceptables. Une généralisation blessante et sans fondement. »

Cette controverse survient à la veille de la commémoration de l’attentat de la grande mosquée de Québec, qui avait fait 6 morts, 8 blessés et 17 orphelins en 2017.

Lisez « Québécois dépeints comme “antimusulmans” : Amira Elghawaby reste en poste, mais Justin Trudeau l’invite à clarifier sa pensée »