(Lac-Beauport) Marc Tanguay juge « excessive et déraisonnable » l’utilisation que fait François Legault de la disposition de dérogation dans ses lois sur la laïcité et la langue française. Il soutient que le débat juridique sur la question, qui pourrait atterrir devant la Cour suprême, pourrait baliser le pouvoir des provinces de suspendre des droits et libertés prévus par les chartes.

Alors que se tient de mardi à jeudi le caucus présessionnel du Parti libéral du Québec (PLQ) à Lac-Beauport, au nord de Québec, le chef de l’opposition officielle a vivement critiqué le premier ministre caquiste qui gouverne, a-t-il dit, comme si la province n’avait pas sa propre charte des droits et libertés depuis 1975.

Dans une entrevue publiée samedi dans La Presse, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, affirmait que le fédéral envisage de soumettre un renvoi à la Cour suprême du Canada pour obtenir son avis sur l’utilisation faite par plusieurs provinces de la disposition de dérogation. Ce mécanisme, prévu dans la constitution, permet à un gouvernement de suspendre des articles de la Charte canadienne des droits et libertés pour une période de cinq ans.

Marc Tanguay dénonce l’utilisation « préventive » de la disposition de dérogation qui a été faite le gouvernement Legault ces dernières années lorsqu’il a adopté les lois 21 et 96 sur la laïcité et la protection du français.

« De le faire de façon totale et préventive, ça ne tient pas la route », a-t-il dit.

Le chef du Parti libéral du Québec a également ajouté que « l’usage des clauses dérogatoires doit se faire de façon ciblée et de façon raisonnable, pas comme le fait [François Legault] ». Selon lui, le gouvernement caquiste agit de façon « excessive et déraisonnable ».

« C’est sans précédent, le faire de façon préventive pour tous les articles avant même qu’il y ait eu un débat. […] Si le débat [juridique] n’a pas lieu, vous mettez le couvercle sur la marmite et vous dites aux Québécois : vous n’avez plus de droits. C’est un déséquilibre et moi, je ne veux pas vivre dans un Québec sans charte québécoise [des droits et libertés] », a dit M. Tanguay.

Plus tôt cette semaine, François Legault a qualifié d’« attaque frontale » la position défendue par Justin Trudeau. Selon lui, le premier ministre canadien veut « changer les règles pour affaiblir les pouvoirs des provinces et du Québec ».

« Je rappelle qu’aucun gouvernement du Québec n’a adhéré à la Constitution de 1982, qui ne reconnaît pas la nation québécoise. Les gouvernements du Parti québécois, du Parti libéral et de la CAQ ont tous utilisé la clause dérogatoire, notamment pour protéger la langue française », a-t-il dit.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a pour sa part qualifié la sortie d’Ottawa comme étant une « attaque à la démocratie ». « Il veut renverser nos choix démocratiques par un [gouvernement] de juges choisis par lui-même », a-t-il dit.

Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire a pour sa part affirmé que « le premier ministre du Canada n’a quant à lui aucune leçon à donner en matière de défense des droits de la personne, parlez-en aux autochtones ».

Chemin Roxham : « c’est pas normal »

En mêlée de presse, le chef libéral Marc Tanguay a également affirmé mardi que « c’est pas normal » que des demandeurs d’asile continuent de franchir la frontière canadienne par le chemin Roxham, au Québec, plusieurs mois depuis l’accélération de ce phénomène.

L’an dernier, 39 171 demandeurs d’asile ont été interceptés au chemin Roxham. Ces personnes passent par ce chemin plutôt que par un poste frontalier puisque l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui lie le Canada et les États-Unis, n’encadre pas les points de passage non officiels. Dans une série d’entrevues, incluant à La Presse, la ministre de l’Immigration du Québec, Christine Fréchette, a mis de la pression sur Ottawa pour qu’il en arrive à une entente avec Washington afin d’inclure l’entièreté de la frontière.

D’ici là, estime M. Tanguay, le gouvernement fédéral doit accélérer d’autres mesures, notamment le traitement des demandes d’asile.