(Québec) François Legault veut que le prochain PDG d’Hydro-Québec soit en « mode développement ». Il assure que le départ de sa dirigeante étoile, Sophie Brochu, n’est pas lié à des « différences d’orientation » avec le gouvernement.

Dans une première mêlée de presse au parlement en ce début d’année, le premier ministre a réagi mercredi à l’annonce du départ de Mme Brochu en avril prochain de la direction de la plus importante entreprise qui appartient aux Québécois.

« Sophie n’avait pas, contrairement à ce que certains ont dit, de différences d’orientation avec nous autres. De façon personnelle, elle a choisi pour elle que c’était le temps de passer à autre chose. Je respecte ça », a dit M. Legault.

Pour l’avenir, « le plus rapidement possible », le premier ministre cherchera à combler le départ de Sophie Brochu en trouvant un remplaçant qui est en « mode développement ». Il devra aussi trouver une nouvelle personne pour présider le conseil d’administration d’Hydro-Québec, alors que la présidente actuelle, Jacynthe Côté, a annoncé son départ.

« Je cherche quelqu’un, évidemment, qui va être en mode développement, étant donné qu’il faut augmenter de 50 % la capacité d’Hydro-Québec. Quelqu’un qui est capable de travailler en équipe », a-t-il dit.

« J’aimais beaucoup Sophie. C’est une femme brillante. C’est une femme qui avait de l’expérience dans le secteur de l’énergie. C’est une excellente communicatrice. […] Je l’avais rencontrée avant Noël. J’ai discuté avec elle de son avenir, mais j’ai senti en janvier que sa décision était prise », a ajouté M. Legault. À la fin de sa rencontre avec Mme Brochu, en décembre, le premier ministre était incertain de la décision qu’elle prendrait sur son avenir, a-t-il dit.

Un départ qui crée la surprise 

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Sophie Brochu

L’annonce du départ de la PDG d’Hydro-Québec deux ans avant la fin de son mandat survient alors qu’elle menaçait de démissionner l’automne dernier dans un rare bras de fer public avec le gouvernement. Mme Brochu affirmait alors qu’elle quitterait ses fonctions si le superministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, privilégiait les projets de développement économique énergivores en faisant du Québec le « Dollarama » de l’électricité.

« Ce qu’il ne faut pas faire, c’est d’attirer un nombre indu de kilowattheures industriels qui veulent payer pas cher et, après ça, de construire des barrages pour les alimenter parce qu’on manque d’énergie », disait-elle au 98,5 FM.

François Legault a assuré mercredi que le départ de Mme Brochu n’avait aucun lien avec ses déclarations passées.

Le comité sur l’économie et la transition énergétique qu’il a créé l’automne dernier – et qu’il préside –, auquel siègent à la fois M. Fitzgibbon, la direction d’Hydro-Québec, le ministre des Finances et le ministre de l’Environnement, a même mené une première rencontre qui s’est bien déroulée.

« Il n’a jamais été question que le Québec soit le Dollarama. […] Il faut regarder le portrait global. Quand on a un projet [de développement économique] devant nous, il y a une opportunité pour Hydro-Québec d’avoir un client additionnel, mais il y a une opportunité aussi de créer de la richesse et d’amener des revenus additionnels au ministère du Revenu », a illustré M. Legault.

« On a un écart de richesse. Ça reste mon obsession. Il nous manque, si on se compare avec l’Ontario, 10 milliards par année de revenus au gouvernement du Québec. Il faut profiter de cette opportunité. Beaucoup d’entreprises, incluant des entreprises québécoises, ont des projets de développement qui demandent de l’énergie propre. Il faut être capable d’additionner les profits qu’on fait chez Hydro-Québec avec les entrées additionnelles de revenus », a-t-il ajouté.

Au cours des prochaines semaines, le premier ministre a annoncé qu’il rencontrerait également les chefs du Parti libéral, de Québec solidaire, du Parti québécois et du Parti conservateur pour écouter leurs propositions pour la transition énergétique du Québec vers une économie décarbonée d’ici 2050.

Au cours de la dernière campagne électorale, François Legault a annoncé son intention de lancer des projets de construction de nouveaux barrages hydroélectriques pour répondre aux besoins croissants qui s’ajoutent en raison de l’électrification de l’économie.

Pas d'enjeux personnels, dit Fitzgibbon

De son côté, le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, ne croit pas que le départ de Sophie Brochu s’explique par un conflit entre elle et lui. « On a eu plusieurs rencontres, et ça a été très cordial, très bien. Je ne pense pas qu’il y ait d’enjeux personnels », a-t-il soutenu, de passage à Rivière-du-Loup. Il a réitéré que le gouvernement a besoin d’accroître la production d’hydroélectricité afin d’attirer des projets industriels.

« Une des raisons pourquoi le premier ministre a combiné l’énergie avec l’économie, c’est [dans le but] de se servir de l’énergie renouvelable pour décarboner le Québec, qui est une importante mission de l’État, et aussi créer de la richesse collective », a-t-il expliqué, tout en déplorant qu’« il n’y a pas eu de gros projet industriel au Québec depuis 15 ans ».

« Je vais donner un exemple. La filière batterie, si jamais on réussit à tout mettre les morceaux en place, on parle de 2000 MW. 2000 MW, c’est 5 % de ce qui est produit présentement [par Hydro-Québec]. Alors ce sont des gros projets. Je pense qu’on va pouvoir démontrer à la population que d’allouer 2000 MW à une filière batterie qui va être transformatrice comme on n’a pas vu depuis 15-20 ans au Québec, ça vaut la peine. Il faut regarder maintenant comment on va être diligent pour obtenir les mégawatts additionnels. »

Le ministre n’a pas voulu s’avancer sur le choix du prochain PDG d’Hydro-Québec, rappelant que le conseil d’administration fera des recommandations et que la décision finale revient au Conseil des ministres. « Il y a sûrement plusieurs personnes qui vont avoir un intérêt pour le poste », a-t-il mentionné.

Avec Tommy Chouinard, La Presse