(Québec) Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, fera l’objet d’une sixième enquête en quatre ans de la commissaire à l’éthique et à la déontologie, a-t-on fait savoir jeudi. En ligne de mire : sa participation à une partie de chasse au faisan dans une île privée en Estrie qui appartient à des gens d’affaires.

Plus tôt jeudi, M. Fitzgibbon avait salué les demandes exprimées par les partis de l’opposition qui réclamaient une telle enquête. « C’est une activité privée, alors ça va continuer », a-t-il dit.

Le Journal de Montréal avait rapporté que le superministre du gouvernement Legault, qui détient les portefeuilles de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, a participé cet automne à une partie de chasse dans l’île de la Province, située sur le lac Memphrémagog, qui appartient à des personnes liées à des entreprises qui bénéficient de subventions publiques.

Dans une mêlée de presse au parlement, M. Fitzgibbon avait assuré qu’il n’avait commis aucun impair éthique en acceptant de participer à cette activité, comme il le fait chaque année depuis près de 20 ans.

« Je pense que Le Journal de Montréal devrait demander, via les députés du Parti québécois, une commission d’enquête. Je pense que la commissaire à l’éthique devrait faire une enquête. Moi, je vais être très à l’aise, parce que je n’ai jamais eu de malversation dans mon comportement et il n’y en aura jamais », a déclaré M. Fitzgibbon.

En matinée, le Parti libéral du Québec (PLQ) avait confirmé avoir envoyé une lettre à la commissaire à l’éthique et à la déontologie, Ariane Mignolet, pour qu’elle ouvre une enquête. Québec solidaire (QS) avait également affirmé qu’il avait l’intention de faire une telle demande, tout comme le Parti québécois (PQ).

« C’est ma vie privée »

Pierre Fitzgibbon s’est défendu jeudi en disant que cette partie de chasse était une activité liée à sa vie privée. Il compte poursuivre cette tradition au cours des prochaines années. M. Fitzgibbon a également confirmé qu’il n’avait pas consulté la commissaire à l’éthique avant de continuer à chasser le faisan dans cette île privée une fois assermenté comme ministre. Le cabinet du premier ministre n’en avait pas non plus été informé.

Quand Le Journal de Montréal a demandé des précisions au ministre caquiste, avant la publication de l’article, son attaché de presse, Mathieu St-Amant, a répondu : « Si vous souhaitez une entrevue sur la chasse au faisan, nous sommes disposés à nous entretenir avec un de vos chroniqueurs de chasse et pêche. »

M. Fitzgibbon a affirmé jeudi que cette réponse n’était pas une manifestation d’arrogance. « Ce n’est pas de l’arrogance, [c’est] ma vie privée et ça me regarde. Ce n’est pas à cause du Journal de Montréal que je vais me priver de voir de bonnes connaissances », a-t-il dit.

Au cours de cette partie de chasse, où les invités porteraient un habit inspiré du code vestimentaire traditionnel autrichien, M. Fitzgibbon a parlé d’affaire avec ses connaissances réunies.

« C’est sûr, il y en a toujours, ma vie est là-dedans. Ça fait 20 ans que je suis avec ce monde-là. Ce sont de bonnes connaissances, alors je pense que c’est important que la commissaire à l’éthique fasse une enquête pour que vous soyez tous confortables, et Le Journal de Montréal, à savoir qu’il n’y a pas eu de subventions » attribuées ce jour-là, a-t-il dit.

« On n’est pas du même monde »

Cette nouvelle concernant la partie de chasse du ministre de l’Économie avec des gens d’affaires dans une île privée a vivement fait réagir les partis de l’opposition, jeudi. « On n’est pas du même monde », a souligné Pascal Bérubé, du Parti québécois.

« Ces millionnaires, ces grands propriétaires dirigeants d’entreprises, c’est dur après de faire la leçon et de demander de la sobriété aux gens quand c’est aussi ostentatoire », a-t-il ajouté. « Je lui demande de la sobriété éthique », a renchéri le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.

Vincent Marissal, de Québec solidaire, a reconnu dans cette histoire « notre bon vieux Fitzgibbon […] qui, encore une fois, a l’éthique assez slaque ».

« M. Fitzgibbon, il n’a pas compris qu’il n’est plus dans le monde des affaires, qu’il est un serviteur de l’État et qu’il doit faire attention à ses gestes et aux apparences de ses gestes », a-t-il dénoncé.

« On retrouve la même désinvolture du ministre qu’on connaît depuis ces dernières années. […] C’est problématique, parce que quand on parle de situations où un élu se place en [apparence de conflit d’intérêts], il s’agit d’un contexte où des questions doivent être posées », a dit le chef par intérim du Parti libéral, Marc Tanguay.