(Québec) Le gouvernement Legault souhaite une « mobilisation nationale » pour freiner le déclin de la langue française alors que nous courons vers le « mur » et vise une immigration 100 % francophone d’ici 2026. Le sujet sera au cœur du discours d’ouverture de la session de François Legault, mercredi.

Le premier ministre a ciblé cet enjeu comme étant l’un des deux grands défis que son gouvernement doit relever, avec la lutte contre les changements climatiques. Il a immédiatement cadré le débat en affirmant que pour renverser la chute de l’usage du français au Québec, « la clé est vraiment autour de l’immigration ».

Au menu, une immigration contrôlée par Québec sera 100 % francophone d’ici 2026, a-t-il dit. Il se dit « ouvert à toutes les suggestions » pour « arrêter le déclin du français », et estime que les partis de l’opposition et la société civile doivent également apporter leur contribution. Il a souligné que ce sujet serait abordé dans son discours d’ouverture.

Il faut regarder au Québec, on est autour de 78 %, 80 % de francophone. C’est sûr qu’il y a une baisse de quatre à cinq points depuis 20 ans. Par contre, là où c’est dramatique, c’est vraiment à Montréal, où on est passé sous la barre du 50 %.

François Legault, premier ministre du Québec

Cette donnée répétée par Legault ne tient toutefois pas compte des 6,7 % de Montréalais qui disent parler à la maison le français et une autre langue. De plus, le recensement précise que 84,4 % des Montréalais peuvent soutenir une conversation en français, selon Statistique Canada.

Réveil national

Le nouveau ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, a frappé encore plus fort. À la lecture d’un reportage de La Presse qui démontre que le recul du français n’existe pas seulement à Montréal, mais dans la majorité des régions du Québec, il affirme que « tous les indicateurs sont au rouge ».

« C’est ça qui est inquiétant. Si on regarde la langue maternelle, la langue parlée à la maison, si on regarde la langue au travail, tous les indicateurs sont au rouge », a-t-il déploré.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le ministre de la Langue française, Jean-Francois Roberge

M. Roberge se donne le mandat de faire comprendre aux Québécois « qu’en ce moment, on ne marche pas, on court vers le mur » du déclin du français. Il affirme que le recul de la langue dans la province a été plus important au cours des 20 dernières années « que dans le siècle précédent ».

Il faut un réveil national, il faut une mobilisation nationale, il faut que chaque Québécois se demande : est-ce que je suis en train de choisir un livre en français, est-ce que je suis en train d’écouter une émission en français, est-ce que je suis en train de consommer de la culture en français, est-ce que dans mon milieu de travail, je m’exprime en français chaque fois que je le peux ?

Jean-François Roberge, ministre de la Langue française

Le ministre affirme « qu’il va vraiment falloir poser des gestes forts » et que le gouvernement Legault « va poser des gestes », sans préciser lesquels. Il veut tout d’abord « mettre en œuvre » la réforme de la Charte de la langue française adoptée par son prédécesseur, Simon Jolin-Barrette.

Mais cette « mobilisation », ce « réveil » est également entendu par les jeunes caquistes. L’aile jeunesse du parti veut que la CAQ tienne une « grande discussion sur la protection du français » où tout sera sur la table pour renverser le déclin de la langue, incluant l’application de la loi 101 au cégep, même si son nouveau président s’y oppose personnellement.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Victor Pelletier, président de la Commission de la relève de la Coalition avenir Québec

« On ne pense pas qu’on doit aller notamment avec la loi 101 au cégep pour le moment, on va quand même en discuter dans le parti. Tout est sur la table. Je veux qu’on ait une grande discussion sur la protection du français », lance le nouveau président de la Commission de la relève de la CAQ, Victor Pelletier, en entrevue avec La Presse.

Pas de loi 101 au cégep

M. Pelletier, qui habite à Blainville, va régulièrement à Montréal pour ses études à l’Université de Montréal. « Le déclin de la langue s’observe à l’œil dans la région de Montréal. Il y a un fort déclin de la langue française à Laval, mais c’est surtout à Montréal, peu importe l’arrondissement où on se trouve », a-t-il affirmé.

Le président de la CRCAQ affirme qu’il ne faut pas opposer la protection de la langue française et l’économie : « c’est une croyance que certains ont », a-t-il dit. « Mais il ne faut pas piler sur notre fierté et notre langue pour l’économie », a-t-il ajouté.

Même si François Legault se dit ouvert aux « suggestions », il a tout de même fermé la porte à la loi 101 au cégep. « On sait que tous les nouveaux arrivants doivent envoyer leurs enfants à l’école en français pour tout le primaire, tout le secondaire. Est-ce que deux ou trois années de cégep, ça changerait la situation ? », a dit le premier ministre. « Dans un avenir prévisible, la porte est fermée. »

Quant à l’immigration 100 % francophone, son objectif accuse du retard en raison d’un « backlog » constitué « d’immigrants qui ont été sélections par l’ancien gouvernement », a-t-il expliqué. Québec contrôle environ 65 % des 50 000 immigrants que la province reçoit chaque année. C’est cette portion qui devra être complètement francophone.