(Québec) Simon Jolin-Barrette ouvre la porte à une nouvelle bonification des salaires du personnel des palais de justice pour juguler la crise de la main-d’œuvre qui secoue le système judiciaire. L’opposition presse Québec d’agir et dénonce une crise « gênante » et « sans précédent ».

La Presse rapportait mardi que pas moins de dix salles d’audience de la chambre criminelle ont été fermées lundi faute de greffière-audiencière forçant le report de causes très graves, comme de pornographie juvénile, de trafic de fentanyl et de violences conjugales.

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Une situation inacceptable, a déploré jeudi le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette. Contrairement à la veille, toutes les salles ont été en mesure d’ouvrir mardi au palais de justice de Montréal. Reste que Québec a encore du travail à faire pour être plus attractif, admet le ministre.

« Si on parle des ressources judiciaires, notamment les greffiers et les adjoints à la magistrature, on est déjà au travail. On a signé la convention collective au printemps dernier, on a ajouté une bonification de 10 %, ce n’est pas suffisant », a déclaré le ministre Jolin-Barrette.

Il a ajouté que des discussions ont cours avec le Conseil du trésor pour bonifier les salaires du personnel des palais de justice. Son ministère étudie également la possibilité d’utiliser des ressources à l’extérieur de Montréal, des greffiers notamment, qui pourraient contribuer par visioconférence.

« C’est une crise sans précédent », a déploré de son côté le libéral André A. Morin, qui est l’ex-procureur fédéral en chef du Service des poursuites pénales du Canada pour la région du Québec. « Ça fait 37 ans que je pratique le droit, j’ai plaidé devant toutes les cours au Québec et de voir autant de salles de cour fermée […] c’est du jamais vu », a-t-il indiqué mardi.

M. Morin réclame que le gouvernement Legault augmente rapidement le salaire du personnel pour être « plus compétitif » et attractif. « Il n’est pas normal qu’une greffière-audiencière par exemple, au gouvernement du Québec gagne moins que la personne qui fait le même travail à la Cour municipale de Montréal », a-t-il illustré en point de presse.

Le Barreau du Québec demande d’ailleurs au gouvernement Legault de doubler le budget annuel alloué à la justice.

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À ce sujet, le ministre Jolin-Barrette rétorque que depuis l’arrivée du gouvernement de la Coalition avenir Québec « le budget de la justice augmenté de 20 % ». Il assure du même souffle avoir fait « comme tous [ses] collègues ministres » des représentations auprès du ministre des Finances.

Le ministre Eric Girard doit présenter une mise à jour économique le 8 décembre.

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, espère à ce sujet que Simon Jolin-Barrette a déjà « un rendez-vous » avec le ministre des Finances.

« Le gouvernement a l’occasion de remettre des ressources dans le système pour embaucher du monde, puis pas juste des juges, tous les gens dont le système de justice a besoin pour bien fonctionner dans des délais qui sont raisonnables », a fait valoir M. Nadeau-Dubois, mardi.

Le ministre de la Justice plaide que l’argent doit être « utilisé efficacement » et qu’il faut « changer les façons de faire » dans les palais de justice. « On ne peut pas toujours juste rajouter des ressources », a-t-il lancé, une pique dirigée à la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau.

La juge Rondeau réclame la nomination de 41 juges pour compenser les effets de sa réforme controversée, qui prévoit que les juges siègent désormais un jour sur deux. M. Jolin-Barrette est « ouvert » à rajouter des juges à condition que les juges ajoutent du temps en salle.

François Legault a affirmé lundi dans une entrevue à TVA que des juges sont en désaccord avec la réforme de la juge en chef tout en espérant que la pression de ses pairs la fera reculer. Le premier ministre a indiqué que des magistrats qu’il connaît sont « gênés de la situation ».

Simon Jolin-Barrette n’a pas voulu commenter les propos de M. Legault assurant qu’il prend « toutes les démarches qui sont à [sa] portée comme ministre » pour dénouer l’impasse.

Selon les libéraux, le ministre de la Justice « peut faire un bout de chemin » quant à la demande de la magistrate de nommer 41 juges. Pour le leader solidaire, ce qui est « gênant » actuellement c’est que « dans une société aussi riche que le Québec, l’accès à la justice, qui est un droit, pas un luxe, soit mis en danger parce qu’il manque de ressources dans le système de justice ».

Avec Tommy Chouinard et Louis-Samuel Perron, La Presse