(Ottawa) Le ministre du Patrimoine canadien s’est dit prêt à examiner des amendements à son projet de loi visant à réglementer la diffusion continue en ligne, après qu’un comité du Sénat a souligné que des experts de l’industrie craignaient que le texte législatif ainsi rédigé couvre aussi le contenu généré par les utilisateurs.

« Je suis né avec un esprit ouvert, donc, bien sûr, j’ai un esprit ouvert à ce sujet », a déclaré Pablo Rodriguez devant le Comité permanent des transports et des communications du Sénat. « Je ne peux pas dire pour le moment : oui, je serais d’accord ou pas d’accord sur […] un amendement que je n’ai jamais lu […] Mais sur le principe général, nous sommes ouverts. »

Le ministre du Patrimoine canadien est venu défendre mardi au Sénat son projet de loi sur la diffusion continue en ligne, qui modifierait la Loi sur la radiodiffusion et accorderait de nouveaux pouvoirs au CRTC.

Le projet de loi C-11, déposé aux Communes en février, vise à obliger les géants de la diffusion continue en ligne, comme YouTube ou TikTok, à contribuer à la création et à l’offre de contenu culturel canadien, comme la musique, le cinéma et la télévision. Le ministre Rodriguez martèle depuis que son projet de loi ne vise pas à réglementer le contenu généré par les utilisateurs « comme les vidéos de chats » sur YouTube.

Le projet de loi a toutefois suscité de nombreuses inquiétudes. Les « géants du Web » sont contre, plaidant que le projet de loi nuirait aux revenus des utilisateurs qui génèrent du contenu sur les plateformes. Les géants du Web soutiennent aussi que ces nouvelles règles pourraient les forcer à revoir les algorithmes qu’ils utilisent au Canada.

Plusieurs sénateurs ont aussi des réserves. Le sénateur conservateur Michael MacDonald a ainsi souligné mardi que le comité permanent avait entendu des experts s’inquiéter du fait que les créateurs soient régis par le projet de loi.

Le CRTC « pourrait » régir le contenu

Pamela Wallin, du Groupe des sénateurs canadiens, a ajouté que le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) avait déjà comparu devant le comité sénatorial aux côtés d’un conseiller juridique pour confirmer que le projet de loi, tel que rédigé, donnerait à son agence l’autorité sur du contenu généré par les utilisateurs.

« Ce qu’ils ont dit, c’est qu’il’ne serait dans l’intérêt de personne de le faire, alors faites-nous confiance, nous ne réglementerons pas le contenu généré par les utilisateurs – mais encore une fois, ils ont confirmé à deux reprises qu’ils avaient le pouvoir de le faire », a-t-elle dit au ministre.

Mme Wallin soutient qu’elle a même entendu une créatrice de contenu qui trouvait le projet de loi si confus et si vague qu’elle déménagerait aux États-Unis pour y échapper.

Les sénateurs MacDonald et Wallin ont demandé à M. Rodriguez s’il interviendrait pour apporter des modifications au projet de loi afin d’atténuer ces préoccupations, mais le ministre n’a offert aucun engagement, car il est toujours convaincu que la loi ne couvrirait pas le contenu généré par les utilisateurs.

« Les obligations (de la loi) sont au niveau des plateformes, a-t-il dit. Pourquoi ? Parce qu’on parle de contributions, en termes de revenus, à la création de contenu canadien. Deuxième chose, c’est de faire en sorte qu’on trouve plus facilement du contenu canadien.

« Ce ne sont pas les créateurs qui vont faire ça », a insisté le ministre.

Il a plaidé que le projet de loi visait à protéger la culture canadienne, à offrir plus de choix aux Canadiens, à répondre aux besoins des communautés linguistiques en situation minoritaire et à faire entrer la réglementation de l’industrie dans le 21e siècle.

Il a rappelé que la dernière fois que la Loi sur la radiodiffusion a été modernisée, les Canadiens écoutaient de la musique sur des baladeurs, louaient des films au club vidéo et internet venait à peine de naître. Aujourd’hui, a-t-il dit, il y a des plateformes de diffusion en ligne comme Netflix, on peut regarder la télévision sur un téléphone et le contenu est même filmé et monté sur des téléphones.

« La loi ne reflète plus la réalité : vous avez de très gros joueurs qui n’ont aucune règle à respecter et il y a d’énormes défis autour de la culture et de la production, et des choses qui affectent nos créateurs et le contenu canadien, a-t-il déclaré aux sénateurs. C’est pourquoi il est important aujourd’hui que nous puissions adopter ce projet de loi rapidement. »

Le projet de loi C-11 est devant le Sénat depuis six mois, où il a fait l’objet de 42 heures d’audiences devant le Comité permanent des transports et des communications. Il avait été adopté en troisième lecture aux Communes en juin.