Le gouvernement Trudeau cherche à se débarrasser de la moitié des 27 000 appareils acquis au coût de 807 millions

(Ottawa ) Durant les premiers mois de la pandémie de COVID-19, au printemps 2020, le gouvernement Trudeau a sorti le chéquier pour mettre la main sur 27 000 respirateurs médicaux, appelés aussi ventilateurs. La facture a dépassé les 807 millions de dollars.

Deux ans plus tard, on tente par tous les moyens de se départir de la moitié de ces équipements. Le constat est simple : trop de ventilateurs ont été achetés. Dans le pire des scénarios d’une nouvelle vague, l’Agence de la santé publique estime qu’on aurait besoin d’au plus 13 500 ventilateurs.

Des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès à l’information confirment que l’on a entrepris des démarches l’automne dernier pour se débarrasser de ce surplus d’équipements.

« La Réserve nationale stratégique d’urgence (RNSU) détient présentement deux fois plus de ventilateurs que nécessaire dans l’éventualité du pire scénario de modélisation (27 148 vs 13 500). […] En date du 28 octobre 2021, la RNSU continue de détenir au moins 13 648 ventilateurs en surplus et un nombre important d’accessoires connexes. La cession proposée ne va pas compromettre nos capacités de répondre aux besoins domestiques », peut-on lire dans une note d’information destinée au ministre de la Santé Jean-Yves Duclos.

Le succès de ces démarches a été plutôt limité jusqu’ici.

Dans un courriel à La Presse, Anna Madison, porte-parole de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique, a indiqué que l’on a réussi à donner 539 ventilateurs à trois pays, soit l’Inde, le Pakistan et le Népal.

« Le gouvernement du Canada a fait tous les efforts possibles pour se départir des biens excédentaires. […] Les activités de dessaisissement se poursuivent, certains ventilateurs étant transférés à d’autres ordres de gouvernement pour appuyer l’intervention dans le cadre du projet COVID-19 et la préparation du système de santé. À ce jour, aucun ventilateur n’a été revendu », a-t-elle indiqué.

La situation aurait toutefois pu être pire. Car au départ, le gouvernement Trudeau avait accordé des contrats afin d’obtenir plus de 40 500 ventilateurs médicaux. La facture devait atteindre 1,1 milliard de dollars. Ottawa faisait alors face à une forte concurrence mondiale pour mettre la main sur ces équipements.

À l’époque, le premier ministre Justin Trudeau avait lancé un appel à la mobilisation aux entreprises canadiennes pour les fabriquer. En tout, 15 contrats ont été accordés. Le Journal de Montréal a révélé l’an dernier que l’un des contrats (237 millions de dollars) a été accordé sans appel d’offres à FTI Professional Grade. Mais cette entreprise située à Guelph, en Ontario, a été fondée seulement sept jours avant d’obtenir le contrat en question et ne comptait qu’une poignée d’employés. Elle a par la suite signé un contrat en sous-traitance avec une firme appartenant à un ancien député libéral de la région de Montréal, Frank Baylis, pour fabriquer 10 000 appareils. Les partis de l’opposition aux Communes ont alors accusé le gouvernement Trudeau de favoritisme.

Au début de la pandémie, nous avions un besoin urgent de ventilateurs, car ils constituent une pièce d’équipement médical importante et essentielle dans la lutte contre la COVID-19. Les professionnels de la santé utilisent les ventilateurs pour apporter une aide respiratoire aux patients qui en ont besoin.

Anna Madison, porte-parole de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique

« Grâce aux vaccins qui sont très efficaces pour prévenir les maladies graves, les hospitalisations et les décès liés à la COVID-19, et au fur et à mesure que les données probantes et les directives en matière de santé publique ont évolué, l’utilisation des ventilateurs a été abandonnée pour le traitement des patients atteints de la COVID-19. Pour répondre au changement des pratiques de traitement et à la demande anticipée, le gouvernement du Canada a travaillé avec les fournisseurs canadiens pour identifier les possibilités de réduire les volumes commandés », a-t-elle aussi expliqué.

Mettre fin à certains contrats

Le député conservateur Pierre Paul-Hus avait sonné l’alarme dès mars 2021 au sujet de cette « commande incroyable » de 40 000 ventilateurs lors d’une réunion du Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires. Il avait alors incité la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement de l’époque, Anita Anand, aujourd’hui ministre de la Défense, à mettre fin à certains des contrats afin d’épargner l’argent des contribuables.

Joint par La Presse, M. Paul-Hus s’est indigné que l’on doive maintenant se débarrasser de la moitié des équipements.

« Le gouvernement n’a jamais pu expliquer comment il s’y est pris pour évaluer le nombre de ventilateurs qui étaient requis. On n’a jamais tenu compte des capacités dans les urgences dans les hôpitaux. Au Québec, on compte environ 1000 lits dans les urgences. On avait essentiellement commandé 10 000 machines pour 1000 lits. Ça ne marchait pas », a-t-il avancé.

On a mal évalué les besoins. Maintenant, les contribuables doivent payer la facture.

Le député conservateur Pierre Paul-Hus

« C’est littéralement de l’argent jeté par les fenêtres », a renchéri la députée Julie Vignola, porte-parole du Bloc québécois en matière d’approvisionnement.

« Dès le jour un, la gestion de cette affaire aura été un chaos sans nom : octroi d’un contrat de plus de 237 millions à un sous-traitant proche du Parti libéral, manque de suivi approprié et incapacité à correctement évaluer les besoins en fonction de la pandémie. Encore une fois, le gouvernement Trudeau fait preuve d’incompétence, et ce, au grand détriment des contribuables. »

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

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    Nombre de respirateurs médicaux réquisitionnés par les provinces, sur les 27 000 achetés par Ottawa
    Source : Santé Canada