(Québec) Les dirigeants du Parti libéral du Québec (PLQ) ont fait une autopsie houleuse de la campagne électorale au moment où des voix s’ajoutent pour contester ou remettre en question le leadership de Dominique Anglade.

La réunion du conseil exécutif du PLQ vendredi soir a été l’occasion d’un défoulement général pour les participants. Pendant quatre heures, les dirigeants du parti ont « exprimé les frustrations ressenties durant la campagne », confie l’un des participants.

La cheffe Dominique Anglade, qui terminait une semaine éprouvante après l’expulsion de la députée Marie-Claude Nichols, « était en mode écoute », dit-on.

D’entrée de jeu, et sans grande surprise, l’organisateur en chef Jean-François Helms a annoncé son départ à la dizaine de personnes autour de la table, réunies à la permanence du PLQ rue Queen, à Montréal. Étaient notamment présentes la représentante du caucus à ce comité restreint, la députée Filomena Rotiroti, ainsi que la cheffe de cabinet de Mme Anglade, Valérie Rodrigue.

Jean-François Helms était à l’origine de l’éphémère virage nationaliste du PLQ. Avide de sondages, il avait observé que la population était plutôt en accord avec la position du gouvernement Legault au sujet de la loi 21 sur la laïcité de l’État. Même lecture face au projet de loi 96 sur la défense du français. C’est ce qui explique que les libéraux ont pu un moment cautionner l’initiative, y allant d’amendements controversés. Mais la direction du parti a reculé devant le tollé chez les militants de l’ouest de Montréal. Résultat net, les libéraux qui étaient plutôt favorables au projet de loi 96 ont été heurtés par cette volte-face et ceux qui devaient être satisfaits du changement de cap ont mis en doute la bonne foi des stratèges de leur parti, explique-t-on.

Autre source d’irritation, le faible nombre de courses à l’investiture dans les circonscriptions, normalement autant d’occasions d’augmenter le membership du parti.

Neuf investitures étaient « ouvertes », mais il n’y a eu de véritable course que dans trois circonscriptions, où des représentants des minorités visibles se disputaient le poste de candidat libéral. Quelqu’un fit valoir qu’avec moins de 15 % d’appui chez les électeurs dans bien des circonscriptions, ces courses à l’investiture libérale ne soulevaient guère d’appétit.

Les critiques ont également été dures au sujet de la tournée électorale de la cheffe pendant la campagne. On s’explique mal les premiers jours passés dans la région de Québec, où les espoirs étaient bien minces et où il n’y avait pas encore de candidat sur les rangs dans certaines circonscriptions. Cela s’est ajouté à des annonces laborieuses, des rassemblements modestes et des controverses autour de candidats.

On entendait le même message chez les libéraux au cours de la campagne : on n’a jamais une deuxième chance de faire une bonne première impression. La côte devenait difficile à remonter.

Dominique Anglade et son entourage n’ont pas facilité les choses pour que Rafael Primo-Ferraro devienne le président du parti. L’avocat montréalais était un appui connu à Pierre Moreau lors de la campagne à la direction de 2013 ; celui-ci avait eu comme ministre des frictions importantes avec sa collègue Anglade. Le parti avait reçu pas moins de 20 candidatures pour ce poste, dont quelques candidats défaits, à Sherbrooke et à Laval, de même qu’un organisateur de la députée Marwah Rizqy. Le candidat Primo-Ferraro a dû être approuvé par un comité restreint de l’exécutif libéral, un test qui n’avait pas été imposé à sa prédécesseure Linda Caron, qui était devenue présidente quand Pierre Arcand était chef par intérim. Mme Caron a été élue députée de La Pinière le 3 octobre.

« Elle n’a plus ma confiance »

Pendant ce temps, la crise provoquée par l’expulsion de Mme Nichols ne se calme pas. Sous le couvert de l’anonymat, de nombreux anciens députés critiquent la décision de la cheffe et n’ont plus confiance en elle. D’autres parlent à visage découvert, comme l’ont fait Paule Robitaille et Lise Thériault.

Pour l’ex-député Richard Merlini, l’heure est venue pour Dominique Anglade de trouver « une sortie honorable ». « Ça risque d’être très gênant pour elle » de subir un vote de confiance au congrès du parti qui doit avoir lieu d’ici un an. « Elle n’a plus ma confiance », affirme M. Merlini, un appui de Mme Anglade lors de la course avortée à la direction du parti.

Malgré la défaite électorale, l’ancien élu dans Chambly était encore prêt à « donner la chance au coureur ». Le début de campagne a été pénible, mais « Dominique Anglade s’est reprise » après le débat de Radio-Canada, selon lui. « Et avec 21 députés, je me disais que les meubles sont sauvés et que Dominique Anglade pourrait exercer un nouveau leadership. »

« Mais on ne pouvait pas se permettre d’expulser une députée d’expérience avec des raisons très peu valables ! a-t-il ajouté. Ce n’est pas comme si [Marie-Claude Nichols] avait fait de la malversation ! Ça aurait pu être réglé autrement. »

Un vrai chef ou une vraie cheffe aurait trouvé une solution de compromis.

Richard Merlini, ancien député libéral, au sujet de l’expulsion de Marie-Claude Nichols du caucus

Par la faute de Dominique Anglade, qui s’emmure dans le silence, « il y a une crise qui se retrouve sur la place publique, alors que ce n’est pas dans l’habitude du parti de faire les choses comme ça. On garde ça à l’interne normalement ».

Cette histoire est ainsi « très nuisible » au parti, à ses yeux. « Je regrette, mais c’est terminé. Mme Anglade doit assumer ses responsabilités », estime Richard Merlini.

L’ex-ministre Jean D’Amour ne pensait « jamais voir un épisode comme ça au Parti libéral ». « C’est vraiment désolant de voir un si grand parti se donner en spectacle comme ça », lâche cet ancien président du PLQ (2008-2009). Il s’explique mal que l’on expulse une députée expérimentée de façon si expéditive. Une députée qui a gagné sa circonscription de Vaudreuil, en Montérégie, « contre toute attente », alors que celle-ci était menacée par la Coalition avenir Québec.

« Il y a beaucoup de gens qui commencent à se poser des questions » sur le leadership de Dominique Anglade, ajoute M. D’Amour, qui a participé à une activité de campagne de Dominique Anglade à Montmagny. Maintient-il toujours sa confiance en la cheffe ? « On verra ce qu’elle a à dire. La prochaine semaine sera importante. »