Une crise éclate au Parti libéral du Québec (PLQ). En conflit avec la cheffe Dominique Anglade, la députée Marie-Claude Nichols a été expulsée du caucus libéral jeudi.

La décision est survenue quelques heures après que la députée de Vaudreuil eut été exclue du nouveau cabinet fantôme du PLQ. Elle avait refusé les responsabilités que Dominique Anglade voulait lui confier.

Élue depuis 2014, Marie-Claude Nichols convoitait le poste de troisième vice-présidente de l’Assemblée nationale – un poste qui revient à un membre de l’opposition officielle et qui s’accompagne d’une rémunération additionnelle de 35 000 $ par année.

Or, son collègue de Viau, Frantz Benjamin, député depuis quatre ans, a manifesté son intérêt pour la fonction et Dominique Anglade a appuyé sa candidature.

La cheffe libérale a proposé à Marie-Claude Nichols des responsabilités au sein de son cabinet fantôme comme pour les autres députés de sa formation. Elle lui aurait proposé le dossier des transports – un dossier qui faisait partie de ses préférences, dit-on au PLQ – et la présidence d’une commission parlementaire – ce qui rapporte 25 000 $.

Mme Nichols a refusé la proposition, déçue de ne pas obtenir la troisième vice-présidence de l’Assemblée nationale. Selon une source libérale, le poste de porte-parole aux transports était en fait son quatrième choix après la troisième vice-présidence, les affaires municipales et l’habitation.

Résultat : dans une situation rarement vue, le nom de la députée de Vaudreuil ne figurait pas dans la liste des membres du cabinet fantôme diffusée par le PLQ jeudi matin. Le conflit a mené à l’expulsion du caucus en début d’après-midi.

Le président du caucus libéral, Enrico Ciccone, a justifié la décision en disant qu’« on ne peut pas avoir une personne d’expérience qui est à l’Assemblée nationale depuis plusieurs mandats et [qui déclare que] c’est ça ou rien pantoute ». « Pour moi, ça ne rentre pas dans mes valeurs. Pour moi, c’est inacceptable », a lancé le député de Marquette, exprimant le souhait que le caucus soit « hermétique ».

Selon l’ex-hockeyeur, le parti ne peut tolérer qu’une joueuse décide de rester sur le banc et de laisser les autres membres de l’équipe faire le boulot sur la patinoire. « Il faut que tout le monde embarque dans le bateau et laisse l’ego à la porte », a-t-il ajouté sur les ondes de LCN. Il a décliné les autres demandes d’entrevue.

Marie-Claude Nichols siégera désormais comme députée indépendante. Elle n’a pas donné suite aux appels de La Presse. Avec son départ, le caucus libéral compte maintenant 20 membres. Et il n’y a plus que quatre députés représentant des circonscriptions situées en dehors de l’île de Montréal – deux à Laval, une en Montérégie et un autre en Outaouais.

Il n’y a jamais eu d’atomes crochus entre Dominique Anglade et Marie-Claude Nichols, une proche de l’ex-députée Lise Thériault et de Marwah Rizqy réélue dans Saint-Laurent.

Lors de la course avortée à la direction du PLQ, la députée n’avait pas appuyé Dominique Anglade et avait décidé de ne pas prendre position publiquement. Son nom circulait parmi les appuis potentiels d’Alexandre Cusson, qui s’était finalement désisté, laissant le champ libre à Mme Anglade. Il avait alors deux députées derrière lui : Lise Thériault et Marwah Rizqy.

La députée aurait également passé outre une directive de Dominique Anglade en accordant des contrats de recherche de quelques mois en 2020-2021 à Annie Trudel, lanceuse d’alerte et conjointe de l’ex-député Guy Ouellette – expulsé du PLQ au lendemain des élections de 2018. Mme Trudel a transmis à La Presse les deux contrats en question d’une valeur totale de 10 000 $. La députée aurait eu des menaces de l’entourage de la cheffe au sujet de ses contrats, a-t-elle raconté.

Mercredi, sur les réseaux sociaux, Annie Trudel réagissait ainsi à la candidature de Frantz Benjamin à la troisième vice-présidence : « Est-ce que Dominique Anglade donne l’opportunité aux élus compétents intéressés de déposer leur candidature ou si elle négocie “de gré à gré” avec François Legault en échange de son engagement à obliger son caucus à nommer Nathalie Roy présidente même si la majorité est contre ? » Elle ne nommait pas Mme Nichols, mais elle attachait le grelot. Jeudi, Annie Trudel a ajouté que « le PLQ a l’expulsion facile. Pourquoi discréditer une femme expérimentée, respectueuse, appréciée par tous les partis et dévouée à son rôle d’élue ? ».

Le printemps dernier, des informations avaient circulé indiquant que la cheffe souhaitait le départ de la députée de Vaudreuil. Mme Anglade avait par la suite déclaré que ce n’était pas le cas. En coulisses, on se souvient d’un accrochage avec Mme Nichols à qui l’entourage de la cheffe reprochait de tarder à atteindre ses objectifs de financement et de recrutement de membres. Son investiture comme candidate a eu lieu tardivement, fin juin.

Au PLQ, des critiques se font entendre au sujet de l’appui de la cheffe à Frantz Benjamin pour la troisième vice-présidence de l’Assemblée nationale. On souligne sous le sceau de l’anonymat que le député de Viau n’avait duré que quelques mois comme président du caucus en 2021, car il n’était pas à la hauteur. On fait valoir qu’il a moins d’expérience parlementaire que Mme Nichols. L’ancienneté est un critère qui pèse lourd dans la balance généralement.

La grogne se manifeste aussi sur la place publique. « Que se passe-t-il au PLQ ? Ce caucus a-t-il vraiment les moyens de se priver d’une députée aussi sincère, compétente qu’engagée ? Le temps des purges ? » a écrit sur Twitter l’ex-députée Paule Robitaille.

Selon la liste des membres du cabinet fantôme du PLQ, André Fortin fera face au superministre Pierre Fitzgibbon à titre de porte-parole en matière d’économie et d’énergie. Le leader parlementaire Marc Tanguay hérite notamment du dossier des transports. Les affaires municipales et l’habitation sont entre les mains d’une nouvelle venue, Virginie Dufour, députée de Mille-Îles et ex-conseillère municipale à Laval. La recrue du secteur financier Frédéric Beauchemin s’occupera des finances et du Trésor. Marwah Rizqy, qui a donné naissance à son premier enfant, demeure critique en éducation ; Monsef Derraji reste responsable de la santé.

Il y a aussi du mouvement de personnel au PLQ. Karl Filion succède à Jeremy Ghio comme directeur des communications. Le PLQ a un nouveau président, l’avocat Rafael P. Ferraro. Il prend le relais de Linda Caron, élue le 3 octobre députée de La Pinière. Avec les autres membres du conseil exécutif, il devra notamment choisir la date du prochain congrès du parti, lors duquel Dominique Anglade devra subir un vote de confiance. Le congrès doit avoir lieu au plus tard en novembre 2023, selon la constitution du parti. La cheffe veut qu’il se tienne plus rapidement.

La directrice du contenu et candidate défaite dans Jean-Talon, Julie White, a décidé de quitter le cabinet de la cheffe alors que l’on assiste au départ forcé du conseiller et candidat déçu dans Jean-Lesage Charles Robert. La cheffe de cabinet de Mme Anglade, Valérie Rodrigue, est toujours en poste.