(Ottawa) Les libéraux réclament que le président de la Chambre des communes tranche que le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, n’est pas apte à siéger après qu’il eut déclaré mardi qu’il n’était « pas sincère » lorsqu’il a prêté le serment d’allégeance obligatoire à la couronne britannique.

« Si ce n’était pas sincère, c’est comme s’il ne l’avait jamais pris. À ce titre, je crois que le président devrait se pencher sur l’opportunité pour ce député de continuer à siéger à la Chambre », a dit le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Kevin Lamoureux, en se levant pour faire un rappel au règlement au terme de la période des questions.

Le président de la Chambre des communes, Anthony Rota, a alors invoqué un précédent de 1990 lorsqu’un de ses prédécesseurs a été appelé à se prononcer sur la sincérité d’une affirmation solennelle d’un député.

« Le président Fraser a statué que la présidence n’était pas habilitée à porter un jugement sur les circonstances ou la sincérité avec laquelle le député dûment élu prête le serment d’allégeance. La signification du serment de chaque membre est une question de conscience, elle doit donc le rester », a-t-il mentionné.

Les libéraux n’en sont pas restés là et Mark Gerretsen, un autre secrétaire parlementaire, a pris la balle au bond et répliqué que le président n’est pas appelé à interpréter l’intention du chef bloquiste puisqu’« il a clairement exprimé son intention ». M. Gerretsen a réclamé à nouveau que le président prenne la question en délibéré.

« Je ne vais pas rester ici et me disputer, a répondu le président Rota. Ce que je vais faire, c’est que j’examinerai la question plus en profondeur et que j’examinerai différentes options et que je reviendrai à la Chambre si je le juge opportun. »

À de nombreuses reprises, mardi, le chef bloquiste a déclaré que son serment d’allégeance et celui des autres députés de son parti n’étaient pas sincères, mais cela a culminé par des cris dans la Chambre des communes lorsqu’il l’a répété à la période des questions, des députés lui criant en anglais : « démissionne ».

« Je vais mettre ça clair : mon serment d’allégeance à la couronne britannique n’était pas sincère », venait-il de dire après que lui-même et le premier ministre Justin Trudeau eurent chacun remis en question la sincérité du serment de l’autre.

« Un serment contraint, quand le cœur n’y est pas, ça ne vaut rien, a déclaré M. Blanchet en Chambre. Ma seule allégeance va en excluant le roi étranger, au peuple du Québec et à la nation québécoise. Et M. le président, vous pouvez le dire au premier ministre et vous pouvez le dire au roi. »

Dans une déclaration écrite transmise à La Presse Canadienne, le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, a soutenu que les libéraux font « la démonstration que, pour eux, l’allégeance au roi prime sur la volonté du peuple exprimée démocratiquement ».

« Yves-François Blanchet a lui-même posé hier la question au premier ministre : si la loyauté au roi s’oppose à celle au peuple, laquelle allait-il choisir, a ajouté M. Therrien. Les libéraux ont choisi le roi. Et on viendra nous dire que la monarchie est strictement symbolique. »

Ces échanges musclés surviennent dans un contexte où le Bloc québécois profite de sa première journée d’opposition de la session parlementaire pour forcer un débat et un vote le lendemain sur l’indépendance du Canada face à la monarchie britannique, une idée à laquelle les libéraux et les conservateurs offrent une fin de non-recevoir.

Lors d’une conférence de presse tenue en matinée avant le début du débat en Chambre, M. Blanchet a expliqué que les bloquistes prêtent serment, et continueront de le faire malgré le débat qui se déroule à l’Assemblée nationale du Québec, parce que c’est une condition sine qua non pour faire leur travail de député à Ottawa. Cependant, a-t-il précisé, ils font « un “x” dans le dos, comme quand on était à la petite école ».