(Québec) Les députés de Québec solidaire (QS) ne prêteront pas serment au roi Charles III lors de leur cérémonie qui aura lieu ce mercredi. Gabriel Nadeau-Dubois demande une rencontre entre les formations politiques représentées à l’Assemblée nationale pour trouver une voie de passage afin de permettre aux élus antimonarchistes de siéger.

« Nous avons une entente avec les responsables de l’Assemblée nationale. En vertu de cette entente, nous allons seulement prêter serment au peuple québécois mercredi », a indiqué le chef parlementaire du parti en entrevue avec La Presse. Cette entente vise à gagner du temps pour trouver une solution politique permettant aux élus qui refusent ce serment de siéger malgré tout d’ici le début de la session.

Il emboîte ainsi le pas aux trois députés péquistes qui n’ont pas non plus l’intention de prêter serment au roi du Royaume-Uni comme le prévoient la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur l’Assemblée nationale.

Notre position aujourd’hui est la même que la semaine dernière et la même que celle d’il y a quatre ans. À Québec solidaire, on pense qu’il n’a pas sa place […] et on souhaite, si c’est possible, siéger sans prêter ce serment, et on va explorer toutes les options pour ne pas le faire.

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

En 2018, les élus de QS ont également tenté de ne pas prêter serment à la reine, mais ils l’ont finalement fait en privé, pour protester contre « ce rituel archaïque ».

Dignité des parlementaires

Le député de Jean-Lesage, Sol Zanetti, avait été profondément marqué par cet exercice, qu’il a dû faire lors de son arrivée à l’Assemblée nationale. « Je m’en sens, je pense, souillé à jamais », avait-il dit en 2019.

Gabriel Nadeau-Dubois souligne d’ailleurs que cet évènement a poussé sa formation politique à déposer lors de la dernière législature un projet de loi qui aurait rendu le serment monarchique optionnel. Il a été appelé par la Coalition avenir Québec (CAQ) au tout dernier moment, ce qui demandait le consentement de tous les partis politiques. Le Parti libéral a refusé, estimant que cette loi était en contradiction avec l’ordre constitutionnel et y voyant plutôt un « geste de rupture séparatiste » ⁠1.

M. Nadeau-Dubois demande aujourd’hui à la CAQ et au Parti libéral de rencontrer des représentants du Parti québécois et de Québec solidaire pour trouver une voie de passage d’ici le début de la session parlementaire, le 29 novembre. Il en va, dit-il, de la « liberté de conscience des élus, et de la dignité des parlementaires ».

Selon M. Nadeau-Dubois, la solution passe par une loi. Il souhaite donc une permission de siéger, le temps qu’elle soit adoptée.

Mais il est prêt à entendre la proposition d’une motion de l’Assemblée nationale proposée par le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon. « Je pense que c’est notre responsabilité d’explorer toutes les options pour respecter la liberté de conscience des députés », a-t-il dit.

Une motion ne suffit pas, juge la CAQ

Mais cette solution a déjà été rejetée par le gouvernement Legault. Simon Jolin-Barrette, qui était leader parlementaire du gouvernement lors de la dernière législature, a confirmé mardi que la CAQ privilégiait plutôt l’adoption d’une loi pour abolir le serment au roi Charles III.

« Ça ne nous fait pas plus plaisir que personne de prêter serment à Charles III, mais c’est prévu par la Constitution actuellement. […] On est ouverts à faire adopter un projet de loi justement pour mettre fin au serment d’allégeance à la royauté, à la monarchie britannique », a-t-il dit. « Une motion n’a pas force de loi pour modifier la Loi constitutionnelle de 1867 », a-t-il ajouté.

Mardi, tous les élus caquistes ont donc prêté serment au roi d’Angleterre, tout comme au peuple du Québec. M. Jolin-Barrette invite tous les députés élus à faire de même, le temps qu’une loi abolissant le serment soit adoptée.

Le gouvernement de la CAQ ne compte d’ailleurs pas déposer une loi à ce sujet de façon prioritaire. M. Jolin-Barrette a rappelé que son parti s’était engagé en campagne électorale à ce que la première loi déposée lors de la reprise des travaux parlementaires consiste à limiter la hausse des tarifs gouvernementaux et à envoyer de nouveaux chèques dès décembre aux Québécois, en raison de l’inflation.

Lundi, Paul St-Pierre Plamondon a réitéré qu’il ne prêterait pas serment au roi vendredi. La conséquence de ce geste pourrait être de l’empêcher de siéger au Salon bleu, le temps qu’une loi abrogeant le serment à la monarchie soit adoptée. Dans un échange écrit avec La Presse, il a rétorqué qu’une motion « ne durerait que 15 minutes » et pourrait modifier la régie interne de l’Assemblée nationale, contrairement à l’adoption d’un projet de loi qui aurait « toutes les chances d’être invalidé » par les tribunaux.

En soirée, il a confirmé sur les médias sociaux qu’il pourra procéder à sa cérémonie d’assermentation vendredi en ne prêtant serment qu’au peuple du Québec, et pas au roi. Mais comme dans le cas de QS, il ne s’agit que d’un sursis de quelques semaines, d’ici à ce que les travaux parlementaires soient lancés.

PHOTO KAROLINE BOUCHER, LA PRESSE CANADIENNE

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

De son côté, la cheffe libérale, Dominique Anglade, qui a prêté serment à Charles III mardi, a invité Paul St-Pierre Plamondon « à venir siéger » s’il veut changer les lois.

« Il y a une loi qui existe, qui force tout le monde à prêter serment pour aller siéger à l’Assemblée nationale. […] Que ce soit M. Parizeau, que ce soit M. Landry, que ce soit Mme Marois, [c’est ce] qu’ont fait les prédécesseurs de M. Paul St-Pierre Plamondon », a-t-elle énuméré. Elle n’est pas fermée à apporter des changements législatifs sur le sujet, mais dans le respect des lois actuelles.

Avec Fanny Lévesque, La Presse

1. Lisez « Les députés de QS refusent de prêter serment à la reine en public » 2. Lisez « Le PLQ à la rescousse du serment à la reine »