L’ancienne députée solidaire Émilise Lessard-Therrien, qui n’est pas parvenue à se faire réélire dans Rouyn-Noranda–Témiscamingue, se dit « préoccupée » par l’omniprésence caquiste dans sa région, mais surtout par son successeur Daniel Bernard, ancien député libéral et ex-lobbyiste de l’industrie minière.

« Non seulement M. Bernard a son passé de lobbyiste, mais surtout, c’est lui qui était là comme député libéral quand les premières attestations et normes pour la Fonderie Horne ont été négociées. Déjà à l’époque, il y avait eu des avis publics comme quoi Glencore devrait atteindre 10 ng/m3, et tendre vers le 3 ng/m3 le plus rapidement possible », dénonce Mme Lessard-Therrien, en entrevue à La Presse.

Avant d’être candidat caquiste, Daniel Bernard avait en effet été député libéral de la circonscription durant des années. Il a été élu pour la première fois en 2003, puis en 2008. Il était par la suite devenu lobbyiste pour l’Association de l’exploration minière du Québec. Plus récemment, il avait été conseiller municipal de Rouyn-Noranda. Son élection avec la CAQ forcera d’ailleurs une élection dans la municipalité.

Mme Lessard-Therrien déplore qu’« en 2011, quand la norme québécoise a été établie à 3 ng/m3, M. Bernard était sans doute au courant qu’on était à 67 fois la norme à Rouyn-Noranda ». « Et il n’y a rien qui s’est passé à ce moment-là », martèle-t-elle.

« On jugera l’arbre à ses fruits, mais j’ai des inquiétudes. Cela dit, j’ai confiance que la population va continuer de mener le combat et de mettre de la pression dans le dossier de la Fonderie Horne », lâche aussi la députée sortante.

Celle-ci dit globalement s’inquiéter que sa région soit « passée entièrement au bleu poudre » de la Coalition avenir Québec. « Ça signifie qu’il n’y aura plus personne pour poser des questions et demander des comptes au gouvernement, à part les médias bien sûr. Je trouve ça inquiétant pour notre démocratie », concède Mme Lessard-Therrien. Radio-Canada a d’ailleurs révélé vendredi que Mme Lessard-Therrien a conservé ses avances dans les bureaux de vote situés les plus à proximité de la Fonderie Horne.

« L’amertume n’a jamais été de bon conseil »

La réaction n’a pas tardé vendredi dans les rangs caquistes. « Visiblement, Mme Lessard-Therrien est amère. L’amertume n’a jamais été de bon conseil, c’est pourquoi nous ne commenterons pas davantage. Les citoyens de Rouyn-Noranda–Témiscamingue se sont exprimés démocratiquement et il faut respecter ce choix », a écrit l’attaché de presse de l’aile parlementaire de la CAQ, Marc Danis.

Comme député, M. Bernard promet quant à lui de « travailler dans l’intérêt de tous les citoyens de sa circonscription ». « Comme le premier ministre l’a exprimé à plusieurs reprises, nous ne ferons aucun compromis sur la santé des gens », a aussi maintenu M. Danis à ce sujet.

En campagne, François Legault avait soutenu qu’il reviendrait à la population de trancher sur l’avenir de la Fonderie Horne, sans écarter la tenue d’un référendum. La population devra faire un choix « le plus vite possible », avait soutenu le premier ministre : accepter un plan « bonifié » de la multinationale Glencore, ou bien fermer la Fonderie Horne.

Le chef caquiste avait aussi soutenu qu’il accepterait de vivre à proximité de l’usine avec des émissions d’arsenic de 15 nanogrammes par mètre cube d’air, un seuil qui demeure cinq fois plus élevé que la norme.

Avec Tommy Chouinard, La Presse