(Ottawa ) Cinq ans après avoir accédé à la tête du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh affirme que son travail ne fait que commencer. Les récents gains que son parti a obtenus du gouvernement Trudeau, notamment la création d’un programme national de soins dentaires pour les familles à faible revenu, l’incitent à appuyer encore plus sur l’accélérateur pour lutter contre les inégalités sociales.

À ses yeux, il n’existe pas de symbole plus puissant des inégalités sociales au pays que l’accès à des soins dentaires. Ce nouveau programme, qui fait partie de l’entente conclue en mars entre Jagmeet Singh et le premier ministre Justin Trudeau assurant la survie des libéraux minoritaires aux Communes jusqu’en juin 2025, commence à prendre forme.

Lorsqu’il sera entièrement en vigueur d’ici trois ans, le programme permettra à quelque neuf millions de Canadiens de voir un dentiste et d’obtenir des soins payés par l’État.

Selon Jagmeet Singh, l’accès à des soins dentaires vient élargir l’œuvre de Tommy Douglas, ancien premier ministre néo-démocrate de la Saskatchewan et ancien leader fédéral du NPD, considéré comme le fondateur du régime universel de soins de santé.

« Ce programme va faire une énorme différence dans la vie de millions de Canadiens », a souligné M. Singh lors d’une entrevue accordée à La Presse dans son bureau sur la colline du Parlement. Durant ses récentes tournées au pays, il a pu le constater. « À Québec, un chauffeur de taxi m’a dit : “C’est vous, le gars du NPD qui veut avoir un programme pour les dents ! C’est bon pour nous, ça” », a-t-il raconté.

À Burnaby, j’ai vu une personne qui se cachait la bouche quand elle me parlait, tellement elle était gênée de ne pas avoir de bonnes dents. Quand on parle d’inégalités sociales, il n’y a pas un symbole plus frappant que le manque d’accès à des soins dentaires.

Jagmeet Singh, chef du NPD

Durant une récente rencontre à Ottawa, le PDG de l’Hôpital pour enfants de l’est de l’Ontario lui a confié que le traitement de problèmes dentaires arrive en tête des interventions pratiquées chez les jeunes enfants. Le programme de soins dentaires va réduire considérablement ce type d’interventions à long terme.

M. Singh se félicite aussi d’avoir convaincu le gouvernement Trudeau d’offrir une aide aux moins bien nantis qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts à cause de la hausse du coût de la vie. Le crédit d’impôt pour la TPS sera ainsi doublé pour une période de six mois et près de deux millions de Canadiens obtiendront une aide de 500 $ pour le logement, comme le réclamait le NPD.

« Nous avons démontré que dans les temps difficiles, le NPD fait une différence. Durant la pandémie, chaque mesure d’appui que les gens ont reçue, nous avons joué un grand rôle pour la mettre sur pied », a avancé M. Singh

Il a cité l’exemple de la création de la Prestation canadienne d’urgence et du programme de subvention salariale pour les entreprises — deux mesures d’urgence que le NPD a réclamées dans les premières semaines de la pandémie.

« Au début de la crise, le gouvernement libéral affirmait que le programme d’assurance-emploi serait suffisant. Mais ce programme ne couvre que 40 % des travailleurs. Nous avons forcé le gouvernement à bonifier l’aide d’urgence. »

Utiliser ses « propres expériences »

Plus jeune, Jagmeet Singh a vécu dans la pauvreté. Malade, son père ne pouvait plus travailler. Il a déjà répondu à des appels où, au bout du fil, on réclamait le paiement d’une facture. « Ma mère avait peur de répondre, parfois. J’ai dû le faire à sa place et prendre des arrangements. » À 20 ans, il a déménagé dans un appartement avec son jeune frère. Sa mère lui avait demandé de le prendre en charge. Il cumulait trois emplois dans le commerce de détail pour joindre les deux bouts, travaillant parfois sept jours sur sept, tout en étudiant à l’université.

« Cela fait partie de mes valeurs d’aider les gens plus vulnérables. J’ai utilisé mes propres expériences pour souligner au premier ministre que certains des programmes seraient insuffisants. Dans le cas des étudiants, le premier ministre m’a dit durant une conversation que ce serait difficile, mais qu’ils pourraient avoir l’aide financière de leurs parents. Je lui ai répondu que ce n’était pas possible dans bien des cas. Et je lui ai raconté mon histoire.

« J’ai vécu des moments difficiles dans ma vie. Et aujourd’hui, cela me motive. Nous avons de beaux rêves et de bons projets. […] Cinq ans plus tard, nous sommes plus forts au NPD. Imaginez ce que nous pourrions faire si nous étions le gouvernement. »