(Ottawa) Le gouvernement Trudeau peut faire une croix sur un éventuel appui des conservateurs et probablement sur celui des bloquistes à son projet de loi sur les soins dentaires déposé mardi, dans la foulée de l’entente avec le Nouveau Parti démocratique (NPD) qui lui permet de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2025.

Les conservateurs ont été les premiers à afficher leurs couleurs mercredi dès la fin de la réunion hebdomadaire de leur caucus national : c’est non.

« Ces chèques ne sont pas un régime de soins dentaires et c’est ce qu’ils ont promis, a déclaré leur porte-parole en matière de santé, Michael Barrett. Ce qu’ils proposent relève carrément de la compétence provinciale. »

Selon M. Barrett, le gouvernement devra emprunter afin de financer cette mesure — dont le coût est évalué à 938 millions — ce qui aura pour effet d’augmenter l’inflation au pays.

« Il n’est pas clair qui le gouvernement a l’intention d’aider d’autres qu’eux-mêmes à rester au pouvoir », a ensuite accusé le porte-parole.

Le projet de loi C-31 vise à permettre au gouvernement de verser jusqu’à 650 $ par enfant par année aux familles qui gagnent moins de 90 000 $ afin de les aider à payer les frais de dentistes pour leurs enfants de moins de 12 ans.

Le programme temporaire, qui doit s’échelonner sur deux ans, est un des principaux éléments de l’« accord de soutien et de confiance » entre libéraux et néo-démocrates. Ottawa estime que ces paiements non imposables pourront aider environ 500 000 enfants.

Plus tôt en journée, M. Barrett a plaidé que plus de 70 % des Canadiens sont déjà « couverts » pour les soins dentaires et qu’« une majorité » de provinces et de territoires ont mis en place des mesures pour soutenir les personnes à faible revenu qui ont besoin d’avoir accès à un dentiste.

En réaction, le NPD a estimé que les conservateurs « veulent laisser les gens à eux-mêmes et ce sont les ultra-riches qui bénéficient de cette approche ».

« Le signal qu’ils envoient, c’est qu’ils se foutent des 7 millions de personnes à travers le pays qui ne vont pas chez le dentiste parce que ça coûte trop cher », a estimé le chef adjoint, Alexandre Boulerice.

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a réclamé à nouveau lors de la période des questions que le gouvernement renonce à augmenter « les taxes sur les chèques de paie » le 1er janvier, en référence à l’augmentation des plafonds de cotisation à l’assurance-emploi et au Régime de pension du Canada. Il a également réclamé qu’Ottawa renonce à taxer la pollution.

La vice-première ministre, Chrystia Freeland, lui a répliqué que le taux de cotisation à l’assurance-emploi était de 1,88 $ — alors que M. Poilievre était ministre de l’Emploi et du Développement social — et qu’il sera de 1,63 $ le 1er janvier prochain. « Le chef de l’opposition doit dire aux Canadiens : les trompait — il à ce moment-là, ou les trompe-t-il maintenant ? », a-t-elle envoyé.

Envoyez un chèque à Québec, dit le Bloc

L’ingérence dans les compétences des provinces a également fait bondir le Bloc québécois qui « doute fortement » d’accorder son appui au projet de loi.

« Parce qu’on a mis le mot ‘’soins dentaires’’dans le truc […] c’est un aveu d’ingérence dans une juridiction québécoise », a dit le chef bloquiste Yves-François Blanchet, dans le foyer de la Chambre des communes.

Selon lui, la première étape sera de comprendre le projet de loi et de démêler « qui y a droit selon le revenu, un montant variable, selon ou pas selon le nombre d’enfants ».

« Quand il y aura un ménage de fait là-dedans, moi je réitère qu’on fait un calcul et on dit ‘’Voici la part de ce qui irait au Québec’’, a-t-il résumé. On fait un chèque du montant compliqué à calculer que ça donnera et on l’envoie à Québec. »

Le projet de loi C-31 comporte un deuxième volet qui prévoit de verser 500 $ pour aider les Canadiens à faible revenu à payer leur loyer. Il s’agit d’une aide ponctuelle estimée à 1,2 milliard, qui est un supplément à l’Allocation canadienne pour le logement. Et un autre projet de loi déposé à l’ouverture de la session a pour objectif de doubler le crédit pour la TPS durant six mois pour ceux qui en bénéficient déjà.