(Québec) Le gouvernement Legault soupçonne la Ville de Montréal d’avoir utilisé des fonds supplémentaires de Québec destinés à la lutte contre la criminalité pour réduire ses propres dépenses dans le SPVM, ce que nie le cabinet de Valérie Plante.

Il entend imposer des conditions strictes à la mairesse Valérie Plante avant de lui accorder une enveloppe supplémentaire pour une nouvelle escouade vouée exclusivement à la lutte contre les violences armées.

Lisez l’article « Violences armées à Montréal : le SPVM lance une importante opération de visibilité et de répression »

Le gouvernement est en discussion avec la Ville en vue d’une annonce éventuelle, mais il y a un os, a constaté La Presse, un enjeu également soulevé par TVA en début de soirée.

Québec a posé des questions à la Ville sur son financement du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Selon deux sources qui ont requis l’anonymat, car elles n’ont pas l’autorisation de parler publiquement du dossier, le gouvernement a constaté que de nouveaux fonds qu’il a accordés pour les services de police et la lutte contre la criminalité n’auraient pas permis dans les faits, à Montréal, d’augmenter le financement du SPVM.

La Ville aurait profité de cet argent pour réduire ses propres dépenses dans son service de police. Ces montants auraient donc servi à d’autres fins, pour d’autres services municipaux, conclut-on à Québec.

Par exemple, la Ville n’avait pas pourvu certains postes au SPVM, indique-t-on. Elle se serait servie de nouveaux fonds provinciaux non pas pour faire des embauches supplémentaires comme prévu, mais bien pour simplement pourvoir ces postes et payer les salaires s’y rattachant. Au net, il n’y a pas plus d’effectifs que prévu, et la Ville peut utiliser ailleurs l’argent qu’elle aurait dû normalement dépenser pour les postes en question.

Québec souligne que la situation n’est pas banale. Son réinvestissement pour le SPVM a atteint près de 12 millions en 2018-2019 et s’élève maintenant à plus de 30 millions par année. Il est tout à fait justifié, selon lui, de poser des questions sur l’utilisation des fonds.

Montréal se défend

En soirée, le cabinet de Valérie Plante a réagi en niant avoir utilisé à d’autres fins les fonds envoyés par Québec.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Valérie Plante, mairesse de Montréal

« Toutes les sommes reçues du ministère de la Sécurité publique dédiées à soutenir le travail des policières et des policiers sont utilisées et sont essentielles. Notre administration n’a jamais définancé la police, au contraire. Notre administration a plutôt bonifié chaque année le budget du SPVM, ce qui a servi à mettre sur pied des équipes dédiées à la lutte contre le crime organisé, la saisie d’armes, et d’avoir le plus grand nombre d’effectifs policiers depuis 2012 », souligne, dans une déclaration écrite, l’attachée de presse de la mairesse, Catherine Cadotte.

La métropole fait face à une hausse de la violence armée et réitère le besoin du soutien de l’ensemble de ses partenaires, en particulier le gouvernement du Québec, pour y faire face.

Catherine Cadotte, attachée de presse de la mairesse Valérie Plante

Des documents publics démontrent que la Ville a bel et bien accordé des sommes plus importantes au SPVM. Selon son bilan financier 2021, elle a dépensé 745 millions de dollars pour son service de police cette année-là, 66 millions de plus que ce qui était prévu dans son budget. Si elle a reçu 7 millions de plus de Québec par rapport à ses prévisions, elle a dû faire des dépenses supplémentaires de 35 millions « pour les heures supplémentaires, en grande partie liées aux opérations générales et inhabituelles, au remplacement des absences et des postes vacants, de même qu’aux évènements avec armes à feu », peut-on lire.

Éventuelles conditions

L’enjeu est au centre des discussions entre le gouvernement et la Ville avant de donner le feu vert au déploiement de moyens supplémentaires pour contrer les violences armées.

Québec veut s’assurer que la Ville ne fasse pas de nouveau la manœuvre dont il la soupçonne s’il lui accorde des fonds pour une nouvelle escouade. Il en fait une condition.

On n’est donc pas au stade de planifier une annonce. La situation pourrait toutefois évoluer rapidement. La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a annulé sa visite à Percé prévue vendredi pour annoncer la candidature caquiste dans la circonscription de Gaspé. Elle reste finalement à Montréal.

Une annonce éventuelle pourrait être délicate. Les élections seront déclenchées dimanche. Une sortie gouvernementale à la veille ou dans les premiers jours de la campagne pour annoncer des subventions pourrait être mal perçue.

On pourrait invoquer l’urgence de la situation, dit-on à Québec. Lors de la campagne électorale de 2018, le premier ministre sortant Philippe Couillard avait annoncé une aide d’urgence pour les sinistrés de Gatineau à la suite d’une tornade.

Avec la collaboration d’Isabelle Ducas, La Presse