(Ottawa ) Jean Charest laisse planer le doute sur ses intentions s’il ne remporte pas la course à la direction du Parti conservateur le 10 septembre.

Sera-t-il candidat aux prochaines élections si Pierre Poilievre le coiffe au fil d’arrivée ? Compte-t-il pousser à la roue pour unir le parti afin d’affronter les troupes de Justin Trudeau durant la prochaine campagne électorale même s’il n’est pas élu chef par les membres conservateurs ?

Le principal intéressé a esquivé les questions pointues à ce sujet, mercredi soir, durant le troisième et dernier débat organisé par le parti dans le cadre de cette longue course à la direction. « Il y a un seul scénario possible. Je vais devenir le chef du parti », a par la suite lancé M. Charest aux journalistes après le débat, tout en affirmant qu’il était le seul candidat capable d’unir à la fois le parti et le pays.

Seuls trois des cinq candidats ont fait acte de présence dans un studio d’Ottawa mercredi soir pour croiser le fer : Jean Charest, le député ontarien Scott Aitchison et l’ancien député provincial de l’Ontario Roman Baber.

Poilievre absent

Pierre Poilievre, qui est considéré comme le meneur de la course, a refusé de débattre au motif qu’il avait déjà pris part à suffisamment de débats. Il a préféré courtiser les membres du parti en faisant campagne en Saskatchewan. La députée ontarienne Leslyn Lewis brillait aussi par son absence. Elle a fait savoir, la semaine dernière, qu’elle jugeait inacceptable que l’on n’aborde pas la question de l’avortement à ce débat. Les deux candidats réfractaires s’exposent à une amende de 50 000 $ de la part du parti.

Le débat de 90 minutes (la première moitié était en anglais et la seconde en français) n’a guère provoqué les flammèches des autres joutes oratoires, les échanges étant courtois et respectueux entre les trois candidats sur les thèmes tels que le transport, les changements climatiques et la tarification du carbone, la réconciliation avec les Premières Nations et l’avenir du système de soins de santé au pays, entre autres choses.

C’est le député Scott Aitchison qui a interpellé Jean Charest à trois reprises durant le débat sur ses intentions s’il ne remporte pas la mise le 10 septembre. « L’unité du pays est très importante, mais l’unité de notre parti l’est aussi. Je vous mets au défi, Jean, parce qu’il y a eu beaucoup de discussions au sujet de ce qui pourrait arriver si je ne gagne pas et si vous ne gagnez pas. »

Nous devons nous unir en tant que parti une fois que cette course sera terminée, peu importe qui sera le chef. Allez-vous contribuer à cet effort ? Allez-vous travailler avec le prochain chef, peu importe qui gagne ?

Scott Aitchison, député ontarien et candidat à la direction du Parti conservateur

M. Charest a esquivé la question, préférant étoffer sa réponse sur le thème qui portait sur l’environnement en disant que le Parti conservateur n’avait aucune chance de remporter les prochaines élections s’il ne proposait pas un plan crédible en la matière.

Unir les troupes

Insatisfait, M. Aitchison a relancé l’ancien premier ministre du Québec à deux autres reprises. M. Charest a répondu en lançant une flèche en direction de Pierre Poilievre, affirmant qu’un candidat qui ne daigne pas participer à un débat organisé par le parti ne peut unir les troupes et manque carrément de respect envers les membres.

« Si nous voulons unir le parti, vous devez vous présenter ici, vous devez vous montrer et parler aux membres du parti, et non pas les traiter avec mépris. À ce moment-ci de la course, il y a à peu près 25 % des membres qui ont voté et 75 % d’entre vous n’ont pas encore voté. Vous avez le droit de nous tenir responsables de ce que nous proposons en termes de leadership », a déclaré M. Charest.

Il a par la suite rappelé ses longs états de service, à la fois comme chef du Parti progressiste-conservateur sur la scène fédérale et en tant que premier ministre du Québec sur la scène provinciale. Il a dit avoir l’expérience pour diriger un parti et un gouvernement tout en maintenant l’unité du parti et du pays.

Aux journalistes qui l’ont interrogé à ce sujet, M. Charest a montré des signes d’impatience quand on a évoqué l’avance que détiendrait Pierre Poilievre. « Je vais gagner la course au leadership. C’est ma conviction profonde. Je vous invite à la prudence. Ce n’est pas la première fois que les gens prédisent qu’il va y avoir un résultat. Toute ma vie, j’ai vécu avec ça. Toute ma vie. Je suis le politicien au Canada dont on a le plus prédit la fin politique, la mort. Toute ma carrière, j’ai vécu avec ça. Ce n’est pas nouveau. »

Il y a juste un scénario possible, c’est de gagner la course au leadership, d’unir le parti et devenir premier ministre du Canada.

Jean Charest

Le prochain chef conservateur sera connu le 10 septembre. Quelque 675 000 membres sont inscrits pour voter. Jusqu’ici, 150 000 membres se sont prononcés. Les bulletins de vote doivent avoir été reçus avant le 6 septembre pour être comptabilisés.

À Regina, Pierre Poilievre s’est moqué de la formule du débat en disant que les candidats semblaient participer à une partie de cartes.

« On dirait qu’ils jouaient aux cartes. Sauf qu’il n’y avait pas de cartes. J’aime beaucoup mieux être ici en train de parler au vrai monde », a-t-il ironisé.