(Ottawa) La « haine » et la « colère » que propage Pierre Poilievre dans le cadre de la course à la direction menacent « le parti le pays, et l’avenir de nos enfants et petits-enfants », s’inquiète le conservateur Alain Rayes, un pro-Charest.

Le député, qui préside la campagne de Jean Charest au Québec, s’est fendu d’une nouvelle lettre ouverte pour exprimer sa crainte de voir le Parti conservateur prolonger la traversée du désert qui perdure depuis que les libéraux de Justin Trudeau sont arrivés au pouvoir, en 2015.

« La crainte que j’ai en voyant sa façon de faire de la politique à l’américaine, avec une attitude à la Donald Trump […], je ne vois aucune possibilité pour notre parti d’agrandir la tente conservatrice en allant chercher des votes ailleurs pour qu’on puisse devenir une alternative sérieuse au gouvernement Trudeau », redoute-t-il.

« Si on n’agrandit pas la tente, on va devenir le NPD de la droite », exprime Alain Rayes.

C’est que « le soutien à la campagne de Pierre Poilievre repose en bonne partie sur des supporters de Maxime Bernier et du Parti populaire du Canada », et « cette frange de l’électorat ne permet pas à un parti fédéral d’accéder au pouvoir », écrit-il dans une lettre publiée jeudi dans les quotidiens des Coops de l’information.

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Pierre Poilievre

À écouter le député de Richmond–Arthabaska expliquer les raisons de sa démarche à l’autre bout du fil, on comprend que ce n’est pas nécessairement de gaieté de cœur qu’il critique publiquement une aile de son propre parti.

« Je ne me suis jamais battu contre des franges de mon organisation, et je me sens exclu par rapport aux commentaires d’autres candidats qui sous-entendent que je ne suis pas un vrai conservateur alors que c’est Stephen Harper lui-même qui est venu me chercher », insiste-t-il à l’autre bout du fil.

Parlant de l’ancien premier ministre : Alain Rayes mentionne que la lettre ouverte a été préparée avant la sortie publique de Stephen Harper, qui a accordé son appui à Pierre Poilievre. « Ça fait une semaine que je la prépare », assure l’élu, que l’ex-premier ministre avait convaincu de sauter dans l’arène politique fédérale.

« Je respecte ça totalement. Il a droit à son opinion », laisse-t-il tomber.

« Mais j’aurais aimé qu’il réponde aux questions des journalistes et qu’il dise ce qu’il pense de la campagne de Pierre Poilievre par rapport à la cryptomonnaie, lui qui est un pro-économie, et du fait que Pierre Poilievre veut faire de l’ingérence politique en congédiant le gouverneur de la Banque du Canada », enchaîne-t-il.

Le député conservateur n’a pas voulu aborder la question de son avenir politique advenant une victoire du candidat qu’il pourfend. « Sincèrement, je n’en suis pas là », répétera à plusieurs reprises durant l’entretien celui qui dit s’être « battu comme progressiste-conservateur depuis 2015 pour […] faire contrepoids ».

Quelques sondages réalisés au cours des dernières semaines placent Pierre Poilievre en avance. Il jouit de l’appui d’une majorité de la députation conservatrice. Ils sont 60 sur 119 à lui avoir donné leur sceau d’approbation.

Le seul député québécois qui est dans le camp Poilievre est Pierre Paul-Hus.

Vers un débat à trois le 3 août ?

Si la tendance se maintient, le troisième débat officiel de cette course à la direction se fera à trois.

Déjà, Pierre Poilievre a signalé qu’il refusait d’y participer.

Quant à Leslyn Lewis, elle a prévenu les instances du parti qu’elle ne s’y présenterait pas s’il fallait que les questions touchent des enjeux déjà abordés comme la taxe sur le carbone ou la façon d’atteindre l’équilibre budgétaire. Elle insiste pour que les questions soient celles « que les conservateurs se posent tous les jours », comme le lien entre le Canada et le Forum économique mondiale ou l’Organisation mondiale de la santé.

La joute oratoire pourrait donc ne rassembler que Jean Charest et deux autres candidats peu connus du grand public, soit Scott Aitchison, un député conservateur, et Roman Baber, un ancien député du Parti progressiste-conservateur à Queen’s Park qui avait été exclu du caucus de Doug Ford pour avoir critiqué les confinements décrétés pendant la pandémie.

Ces deux aspirants ne parlent pas français. Jean Charest a réclamé un débat bilingue.

Le prochain chef conservateur sera connu le 10 septembre prochain.