Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne demande de modifier le Code criminel afin de criminaliser explicitement la stérilisation forcée et contrainte.

Le comité sénatorial a déposé jeudi matin son deuxième rapport sur la stérilisation forcée et contrainte au Canada. En 2021, il avait soumis une première étude qui rappelait que l’opération était toujours pratiquée dans le pays. Dans cette deuxième partie, il énonce 13 recommandations pour mettre fin à cette « pratique inacceptable ».

L’élaboration des recommandations découle de plusieurs témoignages, dont neuf de la part de survivantes. Certaines confient s’être fait ligaturer les trompes de Fallope sans leur consentement alors qu’elles venaient tout juste d’accoucher. Celles qui avaient été brièvement mises en garde avant l’opération avaient reçu de l’information erronée. On leur indiquait que la stérilisation était réversible, ce qui est faux, peut-on lire dans le rapport du comité.

« Il est dans son intérêt qu’elle subisse cette intervention », s’était fait dire Nicole Rabbit, en 2001, par le personnel d’un hôpital en Saskatchewan.

Le droit à la procréation et le droit d’être maître de son corps sont protégés par la Charte des droits et libertés et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, rappelle le rapport. Si on la considère comme une voie de fait, une infliction de lésions corporelles et une voie de fait grave, la stérilisation forcée et contrainte est un crime. Il n’existe toutefois pas d’infraction formelle relative à l’intervention dans le Code criminel.

Comme des femmes continuent, encore aujourd’hui, d’être contraintes de se faire stériliser, le comité sénatorial demande que la pratique soit explicitement déclarée criminelle. « Si des médecins savaient qu’ils pouvaient possiblement subir des sanctions pénales, cela pourrait changer des comportements assez rapidement », a affirmé l’avocate Alisa Lombard, au comité.

Le Canada possède une longue histoire de stérilisation forcée et contrainte, essentiellement chez les femmes autochtones, racisées et handicapées. Les politiques de stérilisation découlent du mouvement eugénique des années 1920 visant à éliminer les peuples autochtones, indique le rapport.

Près de 1150 femmes du Nord du Canada ou traitées dans des hôpitaux fédéraux pour Autochtones auraient été stérilisées, révèlent des documents historiques cités dans le rapport par la Dre Karen Stote de l’Université Wilfrid-Laurier. Le comité sénatorial a recensé au total 12 000 femmes stérilisées de force, a expliqué la sénatrice Yvonne Boyer en conférence de presse jeudi matin.

Restaurer la confiance

Selon les témoignages, le racisme et la discrimination sont les facteurs dominants menant à des stérilisations forcées et contraintes. Les survivantes dénoncent les conséquences graves de cette « pratique odieuse », qui a toujours cours au pays.

Le comité sénatorial demande d’ailleurs une révision de la notion de consentement, alors que ces femmes ont été « manipulées » et « contraintes » à accepter l’intervention. Le consentement, c’est « permettre à une personne de faire un choix », a souligné la sénatrice Michèle Audette en conférence de presse.

La deuxième recommandation du rapport vise essentiellement à fournir aux associations médicales un cadre de consentement « clair et conforme aux principes juridiques en vigueur ».

Le comité sénatorial propose également que le gouvernement élabore un « régime de dédommagement » destiné aux victimes pour les souffrances subies. Des survivantes n’ont pas les moyens d’avoir recours à la fécondation in vitro, par exemple.

Les autres recommandations du comité portent essentiellement sur un resserrement des mesures nécessaires par le gouvernement pour assurer les suivis des investigations en matière de consentement et protéger adéquatement les patients. Des excuses officielles à la population canadienne sont également demandées.

Toujours selon le comité sénatorial, on ne peut avoir une idée précise de l’ampleur de la pratique des stérilisations forcées et contraintes au Canada, puisque peu de données sont recueillies. Des recherches ont été effectuées dans l’ouest du Canada, mais au Québec, les données sont « particulièrement déficientes », mentionne dans le rapport Suzy Basile, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux relatifs aux femmes autochtones à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.