(Ottawa) Le gouvernement libéral fédéral n’a pas demandé à débattre de sa législation sur les prestations d’invalidité avant les vacances parlementaires de l’été, malgré la promesse de mesures depuis 2020 et les récentes plaidoiries d’organisations à travers le pays.

La ministre de l’Emploi, Carla Qualtrough, a réintroduit le projet de loi début juin, mais sans aucun nouveau détail sur les personnes admissibles, les montants qu’elles recevraient, le moment où l’argent commencerait à être versé et le processus d’appel si les demandes sont refusées.

Lorsque le projet de loi a été réintroduit, Mme Qualtrough ne s’est pas engagé sur un échéancier, affirmant que des consultations étaient en cours même s’il a fallu des mois au gouvernement pour remettre le même projet de loi sur la table pour en débattre.

Plus de 75 groupes représentant les Canadiens vivant avec un handicap ont demandé au gouvernement, dans une lettre la semaine dernière, de tenir une deuxième lecture avant l’ajournement de la Chambre pour les vacances d’été.

La présidente de la Coalition des personnes handicapées du Nouveau-Brunswick, et qui vit avec un handicap, Shelley Petit, a déclaré que les situations financières auxquelles sont actuellement confrontés les Canadiens handicapés sont « horribles ».

« Je connais des gens qui mangent un morceau de pain par jour, c’est ce qu’ils peuvent se permettre », a affirmé Mme Petit.

Elle explique que chaque mois elle doit prendre des décisions difficiles et elle se demande si elle pourra payer ses factures « de base » ou encore si elle pourra manger ce mois-ci. Elle se demande aussi si elle pourra aller voir sa mère âgée et malade, qui habite à 45 minutes de distance.

Le projet de loi visant à créer un chèque de prestations mensuel pour les Canadiens handicapés en âge de travailler changerait la donne, estime Mme Petit. Cela ajouterait chaque mois environ 500 $ de plus dans sa poche aux prestations reçues du gouvernement du Nouveau-Brunswick.

« C’est de la nourriture, c’est des médicaments, c’est pouvoir obtenir des chaussettes qui ne sont pas pleines de trous ou acheter de nouveaux sous-vêtements », a-t-elle énuméré, ajoutant que l’argent pourrait également aider des gens à payer des traitements qui pourraient offrir un soulagement, mais qui ne sont pas couverts par les régimes gouvernementaux de soins de santé.

« Je vis au Canada et j’ai une maîtrise en éducation. Mais je ne peux plus travailler à cause de mon handicap. Ma vie devrait être meilleure que ça, a dénoncé Mme Petit. Je suis en colère parce que personne ne devrait avoir à vivre comme ça parce qu’il a un handicap. »

Complément aux prestations provinciales

La prestation canadienne d’invalidité devrait s’inspirer du Supplément de revenu garanti, conformément à une promesse faite pour la première fois par les libéraux en septembre 2020.

D’ailleurs, Mme Petit estime que le projet de loi aurait déjà dû être adopté. Comme le débat et le processus pour l’adoption sont repoussés jusqu’à la reprise du Parlement en septembre, elle craint que le projet ne devienne loi seulement dans un an et demi.

Mercredi, le député du Parti vert, Mike Morrice, a dénoncé la lenteur du travail du gouvernement pour introduire la prestation à la Chambre.

« Cela fait 20 jours et nous n’en avons pas encore débattu une seule fois. Neuf autres projets de loi ont été priorisés depuis », a souligné M. Morrice.

« Les Canadiens handicapés continuent de vivre dans la pauvreté de manière disproportionnée à travers le pays. Ils veulent voir des mesures de soutien d’urgence. Ils veulent voir des actions. »

Le nouveau projet de loi est identique à l’original, créant la prestation en principe, mais laissant presque tous les détails sur le fonctionnement à une réglementation qui n’est pas encore complétée.

On craint toutefois que la prestation n’interagisse négativement avec des programmes provinciaux, ce qui entraînerait des réductions sur d’autres programmes, ce qui n’est pas l’intention.

Jane Deeks, porte-parole de Mme Qualtrough, a dit dans une déclaration vendredi que, parallèlement au processus législatif visant à créer la Prestation canadienne pour invalidité, le gouvernement doit travailler en étroite collaboration avec la communauté des personnes handicapées afin d’éclairer la conception de la prestation, un travail qui est « bien avancé ».

Le gouvernement fédéral doit continuer de travailler avec les provinces et les territoires pour s’assurer que la prestation vienne en complément des prestations provinciales et territoriales existantes, « et que tous ceux qui la reçoivent s’en sortent mieux », a déclaré Mme Deeks.

« Nous continuerons de travailler fort, tant à la Chambre des communes qu’avec la communauté des personnes handicapées à travers le Canada, pour faire en sorte que cela devienne une réalité »

Le projet de loi initial présenté il y a près d’un an est mort au feuilleton sans être adopté lorsque le premier ministre Justin Trudeau a déclenché des élections l’été dernier.

La députée néo-démocrate Bonita Zarrillo, porte-parole du parti en matière d’inclusion des personnes handicapées, a déclaré vendredi : « il est profondément décevant que les personnes handicapées au Canada soient laissées sans soutien alors que le coût de la vie monte en flèche, sans la Prestation canadienne pour personnes handicapées qui leur avait été promise par ce gouvernement. »

Mme Zarrillo a soutenu que pour la deuxième année consécutive, les libéraux ont attendu jusqu’à la dernière minute pour déposer un projet de loi sur cette prestation, ne donnant aucune possibilité aux députés de débattre ou d’améliorer l’aide proposée aux Canadiens.

« Les personnes handicapées ont reçu de faux espoirs et sont maintenant aux prises avec la hausse des coûts des produits de première nécessité », a-t-elle souligné, ajoutant qu’en n’agissant pas, les libéraux rappellent aux personnes handicapées qu’elles ne sont pas une priorité du gouvernement.

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière des Bourses de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.