(Ottawa) Des amendes pouvant atteindre 25 millions pourraient être imposées aux entreprises qui protègent mal les données personnelles de leurs clients en vertu d’un nouveau projet de loi du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne. Une disposition similaire à celle adoptée par le Québec il y a moins d’un an.

La loi québécoise prévoit des amendes pouvant atteindre 25 millions, ou 4 % du chiffre d’affaires mondial d’une entreprise, en proportion de la gravité de l’infraction. Le projet de loi fédéral préconise une amende pouvant atteindre 25 millions, ou 5 % de l’ensemble des recettes brutes de l’entreprise, selon le chiffre le plus élevé.

« L’idée, c’est qu’on a le même objectif, et si la province a adopté un cadre réglementaire qui est substantiellement similaire au cadre national, ce sera le cadre législatif provincial qui s’appliquera dans la province en question », a précisé le ministre François-Philippe Champagne en conférence de presse.

Des pénalités administratives pouvant atteindre 10 millions ou 3 % de l’ensemble des recettes brutes de l’entreprise pourraient également être imposées.

Tout citoyen pourra demander que ses données personnelles soient supprimées, mais ce droit sera interprété encore plus sévèrement lorsqu’il s’agit d’enfants. Les jeunes pourront exiger la suppression du contenu qu’ils ont publié sur les réseaux sociaux, y compris les données stockées dans des serveurs. Leurs parents pourraient en faire la demande, ce qui n’est pas le cas actuellement, puisqu’il s’agit d’une question de vie privée, a-t-on expliqué au bureau du ministre.

Son projet de loi vise à donner plus de contrôle aux citoyens sur leurs données personnelles. Il modifie deux lois, l’une sur la protection des consommateurs, l’autre sur la vie privée. Il en crée aussi une nouvelle pour encadrer le développement de l’intelligence artificielle. Les entreprises devront prendre des mesures pour atténuer les risques pour la santé et la sécurité des utilisateurs, de même que les préjugés à leur endroit.

Elles devront faire preuve de transparence dans l’élaboration de leurs algorithmes pour éviter les préjugés. Le ministre a cité l’exemple des prêts dans une banque qui sont accordés ou non grâce à l’intelligence artificielle.

Photo Justin Tang, La Presse Canadienne

François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Ce que vous voyez aujourd’hui, c’est un projet de loi qui nous amène parmi les meilleurs au monde, [si ça ne fait pas de nous] les meilleurs au monde.

François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

La dernière mise à jour de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques date du début des années 2000. « Il faut se rappeler que le cadre qu’on a actuellement, c’était avant Facebook, c’était avant Twitter, c’était avant Pinterest, c’était avant Instagram », a dit M. Champagne.

« Pouvoirs accrus » pour le commissaire

Le projet de loi C-27 élargit également les pouvoirs du commissaire à la vie privée et crée un nouveau poste de commissaire aux données et à l’intelligence artificielle qui aura un rôle de conseiller auprès du ministre.

Dans une entrevue à La Presse le jour de son départ à la retraite, l’ex-commissaire à la vie privée Daniel Therrien avait dénoncé les lois fédérales déficientes en matière de protection des renseignements personnels.

Photo DARRYL DYCK, archives La Presse Canadienne

Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada, a pris sa retraite début juin après un mandat de huit ans.

Il s’était dit jaloux de la loi 64 au Québec et demandait que le budget annuel de 30 millions du commissariat soit doublé pour pouvoir s’acquitter de sa tâche.

« Évidemment, des pouvoirs accrus vont demander qu’on soit là avec lui pour l’appuyer dans ces fonctions-là qui sont importantes », a indiqué le ministre François-Philippe Champagne, sans préciser le montant de ce budget supplémentaire.

La Chambre des communes a confirmé à l’unanimité jeudi la nomination du nouveau commissaire à la vie privée, Philippe Dufresne, pour un mandat de sept ans. Elle devra maintenant être approuvée par le Sénat. M. Dufresne était jusqu’à tout récemment conseiller parlementaire à la Chambre des communes.

Le projet de loi pour renforcer la protection des renseignements personnels a été bien accueilli par la Chambre de commerce du Canada. « Les entreprises canadiennes se retrouvent désavantagées sans mise à jour législative sur la protection des renseignements personnels », a fait savoir son vice-président principal aux relations gouvernementales, Mark Agnew.

Il presse le gouvernement de faire une priorité de ce projet de loi lors de la reprise des travaux parlementaires l’automne prochain. Il ne reste plus que quelques jours de travail en chambre avant la relâche estivale.

Les conservateurs sont d’accord avec la protection des données numériques, mais veulent étudier le projet de loi avant de commenter davantage.

C’est la deuxième fois que le gouvernement de Justin Trudeau tente de faire adopter un projet de loi pour mieux protéger la vie privée des consommateurs. Le premier avait déjà été déposé en 2020, mais il est mort au feuilleton après le déclenchement de la plus récente campagne électorale fédérale.