(Québec) Le prix de journalisme annoncé par François Legault crée un malaise à la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), qui juge la sortie du premier ministre maladroite dans un contexte de désinformations sur les médias sociaux.

« Le fait que ça s’est fait dans une période préélectorale, le fait que ce soit le premier ministre qui l’annonce dans un discours, il y a certainement une maladresse », estime Michaël Nguyen, président de l’organisme sans but lucratif qui rassemble environ 1600 journalistes dans plus de 250 médias écrits et électroniques, en entrevue avec La Presse mardi.

Lundi, M. Legault a annoncé la création du prix René-Lévesque. « Ça va devenir la plus haute distinction attribuée par le gouvernement du Québec pour une contribution remarquable dans le domaine du journalisme. C’est une belle manière d’immortaliser la contribution de René Lévesque au journalisme québécois », a-t-il affirmé lors d’un discours fait dans le cadre du lancement de « l’année Lévesque », une série d’évènements organisés pour souligner le 100anniversaire de naissance du fondateur du Parti québécois.

Ce prix sera remis par le gouvernement du Québec à un journaliste ayant « significativement contribué à accroître le rayonnement de l’information ou grandement enrichi la qualité de l’information ou de la profession journalistique au Québec », a-t-il expliqué.

Apparence

La FPJQ ne s’oppose pas à un prix remis par le gouvernement. Par exemple, le prix Guy-Mauffette est la plus haute distinction attribuée à une personne pour sa contribution remarquable à l’excellence de la radio, de la télévision ou de la presse écrite québécoise ou encore à celle des médias numériques, et est décerné par les Prix du Québec.

M. Nguyen, journaliste judiciaire pour Le Journal de Montréal, fait cette analogie. « Il y a la justice, et l’apparence de justice. […] Le journalisme dans une période vraiment cruciale, attaqué de toute part. En l’annonçant comme ça, les apparences ne sont pas excellentes », affirme-t-il.

En cette « période de désinformation », M. Nguyen doit constamment défendre le fait que des médias reçoivent de l’aide de l’État – « comme beaucoup d’autres industries », précise-t-il. Il espère connaître rapidement les détails de l’annonce, notamment les critères de sélection et la composition du jury. « Qui seront-ils ? Des élus ? Des attachés politiques ? Un comité indépendant ? Il y a plein de détails qu’on ne connaît pas, ça n’aide pas les apparences », a-t-il expliqué.

Il souligne également que la Fondation René-Lévesque remet déjà un prix de journalisme, le Prix René-Lévesque, qui souligne « l’excellence et le talent dans la presse étudiante ». La FJPQ remet elle-même des prix pour récompenser les meilleurs reportages écrits et électroniques de la presse québécoise, les prix Judith-Jasmin.

Inspiré

Au cabinet du premier ministre, on rétorque que le moment était bien choisi. « Si on ne peut pas annoncer le prix René-Lévesque au moment des commémorations de son centenaire, quand pourrait-on le faire ? », affirme l’attaché de presse du premier ministre, Ewan Sauves, dans un courriel.

« En cette ère de désinformation et de prolifération de sources d’informations douteuses, ce prix constitue un rappel de l’importance du travail journalistique et de la nécessité pour la démocratie de pouvoir compter sur la présence de médias crédibles, rigoureux et indépendants », a-t-il ajouté.

Il est convaincu que le prix annoncé par M. Legault « inspirera de nombreux journalistes, actuels et futurs ». Au cabinet de la ministre de la Culture Nathalie Roy, on affirme que le prix sera sous la gouverne des Prix du Québec, qui ne « sont pas des outils politiques », affirme Maxime Roy. Le directeur des communications de Mme Roy ajoute que « pour chacun des Prix du Québec, les candidatures sont évaluées par un jury distinct formé de pairs issus des milieux culturels ou scientifiques et composé de 3 à 5 personnes représentatives des domaines et disciplines ».