(Ottawa) Le gouvernement Legault est catégorique : les dirigeants des sociétés soumises à la Loi sur les langues officielles doivent parler et comprendre « clairement le français ». La proposition fait partie d’une série d’amendements soumis par Québec pour enchâsser les principes de la Charte de la langue française dans la législation fédérale.

Le document de 13 pages, que La Presse a obtenu, fait suite à l’adoption de réforme de la Charte de la langue française – loi 96 – le 24 mai. Il vise à obtenir la reconnaissance du français comme « seule » langue officielle et langue commune sur le territoire québécois. Il introduit aussi le concept de la prédominance du français par rapport à l’anglais.

Le gouvernement de François Legault veut s’assurer que la langue de travail soit le français dans les entreprises privées de compétence fédérale, comme les banques, les compagnies aériennes ou ferroviaires. Le projet de loi C-13 leur laisse le choix d’appliquer cette disposition de la Charte de la langue française ou la Loi sur les langues officielles, qui promeut plutôt le bilinguisme.

« Ce que le Québec démontre, c’est que sans amendement, le projet de loi C-13 ne protège pas le français au Québec, mais bien un bilinguisme qui conduit à l’anglicisation », a dénoncé la députée du Bloc québécois Claude DeBellefeuille, lors de la période des questions jeudi.

Est-ce que le gouvernement fédéral réalise qu’il y a un enjeu, un seul enjeu où le Canada doit respecter les demandes du Québec et que c’est la protection de la langue française ?

Claude DeBellefeuille, députée bloquiste de Salaberry–Suroît

« Je suis complètement d’accord que le français au Québec et au Canada est une question existentielle », a répondu la vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland, avant de faire une comparaison avec sa culture ukrainienne. « En tant qu’Ukraino-Canadienne, personnellement, je comprends très bien aujourd’hui l’importance de la langue et de la culture. »

Elle a ajouté que le projet de loi C-13 était « une excellente loi qui va protéger le français au Québec et partout au pays ».

Air Canada et le Canadien National (CN) ont fait les manchettes pour leur incapacité à faire une place suffisante au français. Le président-directeur général d’Air Canada, Michael Rousseau, avait soulevé une tempête linguistique en novembre en prononçant un discours presque exclusivement en anglais devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il s’est par la suite excusé et a entrepris des cours de français.

Plus récemment, le CN a soulevé la controverse pour avoir fermé les portes de son conseil d’administration aux francophones. Le siège social de la compagnie de chemins de fer, la plus grande au pays, est pourtant situé à Montréal et, tout comme Air Canada, elle est assujettie à la Loi sur les langues officielles. Des employés se plaignent également que l’anglais a préséance sur le français dans leur milieu de travail.

Québec veut ajouter un autre amendement à C-13 pour forcer la ministre des Langues officielles à conclure un accord sur la mise en œuvre de la Charte de la langue française dans les entreprises de compétence fédérale.

« L’objectif est d’offrir un cadre clair, prévisible, cohérent et identique pour l’ensemble des entreprises concernées et leurs employés », écrit-il.

Il ne propose pas d’amendement pour assurer que les prochains gouverneurs généraux soient bilingues. Au bureau de la ministre responsable des Relations canadiennes, Sonia LeBel, on indique qu’il va de soi que la gouverneure générale puisse s’exprimer en français. La ministre n’était pas disponible pour nous accorder une entrevue.

Minoritaire au Canada, majoritaire au Québec

Le gouvernement Legault veut qu’Ottawa reconnaisse la situation minoritaire du français au Canada et le besoin pour le Québec de le protéger, de le renforcer et de le promouvoir. En ce sens, « la minorité anglophone du Québec et les minorités francophones des autres provinces et territoires ont des besoins différents » qui doivent être tenus en compte dans l’application de la Loi sur les langues officielles, plaide-t-il.

Il demande que le gouvernement fédéral utilise le français de façon prédominante dans son affichage au Québec et qu’il s’abstienne de promouvoir l’anglais en territoire québécois. Le commissaire aux langues officielles devrait aussi en tenir compte lorsqu’il traite les plaintes de la communauté anglophone du Québec.

Actuellement, son travail s’appuie sur le concept de dualité linguistique. « On défend le concept des deux communautés de langues officielles en situation minoritaire », avait-il rappelé mardi lors du dépôt de son rapport annuel.

Il avait alors invité le gouvernement du Québec à « équilibrer » le besoin de renforcer la langue française et les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés de la communauté anglo-québécoise.

Je pense qu’on ne doit pas négliger les préoccupations exprimées clairement par la communauté d’expression anglaise du Québec.

Le commissaire aux langues officielles lors du dépôt de son rapport annuel, mardi

La présidente du Quebec Community Groups Network, Marlene Jennings, a demandé aux élus lundi d’enlever toute mention de la Charte de la langue française dans le projet de loi fédéral C-13. Elle craint les répercussions négatives d’un régime à deux vitesses sur sa communauté.

Le projet de loi C-13 reconnaît le français comme étant la langue officielle du Québec, mais pas comme sa « seule » langue officielle.

Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a récemment exprimé des craintes après l’adoption de la réforme de la Charte de la langue française, et le premier ministre Justin Trudeau avait assuré qu’il protégerait les droits des anglophones.