À quelques mois du déclenchement des élections provinciales au Québec, un collectif d’une vingtaine d’organisations écologistes réclame la tenue d’un débat des chefs portant « exclusivement » sur les enjeux environnementaux et la crise climatique, jugeant que la formule actuelle ne permet pas d’aller « au fond des choses ».

« On estime qu’il n’y a pas suffisamment de temps alloué jusqu’ici pour aller au fond de la question. En 2018, on a eu un segment de 16 minutes sur l’environnement au débat du consortium et chez TVA, il n’y a eu aucun segment proprement dédié à l’enjeu, même si ç’a été abordé brièvement. Bref, la formule actuelle ne permet pas d’aller au fond de la question », explique la directrice générale d’Équiterre, Colleen Thorpe.

Bon nombre d’autres organismes du collectif soutiennent la démarche, dont l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME), la Fondation David Suzuki, Greenpeace, Eau Secours, Nature Québec ou encore la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec).

Selon la coordonnatrice de l’AQME, Patricia Clermont, « on considère trop souvent la crise climatique comme quelque chose à part, dans une vision en silo ».

C’est urgent que les politiciens arrivent à la même place que le public, et d’arrêter d’être en retard sur la crise climatique. Ça prend un débat là-dessus. On a besoin de voir que les choses commencent à changer.

Patricia Clermont, coordonnatrice de l’AQME

Un récent sondage Léger effectué pour le compte de la coalition Vire au vert auprès de 1004 répondants entre le 27 et le 29 mai démontre que 56 % des Québécois estiment qu’il serait « pertinent » de tenir un débat des chefs sur la crise climatique, afin de bien connaître les solutions de chaque parti politique.

Selon le même coup de sonde, plus de sept Québécois sur dix se disent « inquiets » des impacts qu’auront les changements climatiques sur leur santé et celle des autres. Quelque 73 % d’entre eux s’inquiètent également des coûts que la crise climatique engendrera sur leurs finances personnelles et les fonds publics.

Environ six répondants sur dix estiment que le gouvernement actuel de François Legault « n’en fait pas suffisamment » pour adapter et préparer le Québec aux conséquences des changements climatiques, comme les inondations, l’érosion et la « dégradation précoce des infrastructures ». Ce sont aussi 64 % des gens qui considèrent que, de manière générale, les gouvernements n’en font pas suffisamment pour protéger les populations vulnérables et marginalisées contre la crise du climat.

Ça démontre que les Québécois comprennent que les changements climatiques, ça se passe maintenant. S’il y a dix ans, on était dans quelque chose qui allait arriver, maintenant, on les vit, les canicules, les impacts des récoltes qui sont gâchées en raison des sécheresses. On les voit, les tempêtes et les intempéries qui frappent durement nos infrastructures.

Colleen Thorpe, directrice générale d’Équiterre

Le collectif Vire au vert dévoilera aussi ce lundi une cinquantaine de demandes aux partis politiques dans les catégories suivantes : climat et énergie, transport et aménagement, agriculture et alimentation, biodiversité et milieux naturels, écofiscalité et économie naturelle, gestion intégrée de l’eau, gouvernance environnementale et climatique équitable.

Parmi elles, on trouve notamment l’abandon des subventions aux énergies fossiles ainsi que la « mesure » de l’empreinte carbone du gouvernement et des instances. Le groupe demande aussi de mettre fin à l’accroissement de la capacité routière à des fins de navettage quotidien et de cesser tout « dézonage agricole » sur le territoire québécois.

Sur le plan de la biodiversité, Vire au vert réclame l’atteinte de 30 % des aires terrestres et marines protégées d’ici 2030. Les organismes souhaitent aussi voir s’implanter un système de « redevance-remise » sur les véhicules, afin d’inciter la population à se tourner vers des voitures moins énergivores, hybrides ou électriques. On presse également les partis de s’engager à réduire la quantité quotidienne autorisée d’eau dans les bassins versants.

« Courage politique »

« Ça prend du courage politique, parce qu’on parle de changements qui vont affecter notre mode de vie. Mais on est dans une urgence climatique qui affecte la santé, le logement ou encore l’économie », dit Colleen Thorpe, pour qui l’essentiel dans cette campagne électorale sera d’être « cohérents ». « On encourage les partis à ne pas poser une action qui nuirait ailleurs, comme par exemple de subventionner les énergies renouvelables et les énergies fossiles en même temps. Ça ne donne aucun gain », conclut-elle.

La coalition indique qu’elle offrira d’ailleurs de l’« accompagnement personnalisé » durant la campagne aux organisations locales qui souhaiteraient organiser une rencontre avec leurs candidats locaux sur les enjeux environnementaux. Une semaine des débats « Vire au vert » aura aussi lieu du 18 au 25 septembre prochain.