(Québec) Après avoir suscité une rare unanimité contre des pans entiers de son projet de loi pour protéger la « liberté académique », la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, croit avoir trouvé une voie de passage pour rallier la communauté universitaire. Les libéraux et le Parti québécois voteront pour son adoption, alors que Québec solidaire s’abstiendra, jugeant que la ministre s’accorde toujours trop de pouvoirs d’ingérence.

Le projet de loi 32, qui devrait être adopté vendredi au Parlement, est la réponse du gouvernement Legault au rapport de la commission présidée par l’ex-ministre et vice-recteur de l’Université du Québec à Chicoutimi Alexandre Cloutier, qui s’est penché sur la protection de la liberté universitaire. Ce dernier avait reçu ce mandat de Québec alors que les journaux, notamment La Presse, citaient des exemples de climats parfois explosifs sur les campus lorsque des concepts sensibles ou des termes chargés, comme le « mot qui commence par un N », étaient cités en classe.

Cette pièce législative avait été sévèrement critiquée le mois dernier sur plusieurs aspects. La communauté universitaire (tant les recteurs et les professeurs que les étudiants) critiquait entre autres les pouvoirs que s’accordait la ministre dans l’article 6, qui prévoyait qu’elle « peut, lorsqu’elle l’estime nécessaire pour protéger la liberté académique universitaire, ordonner à un établissement d’enseignement de prévoir dans sa politique tout élément qu’elle indique ». Québec corrige le tir et précise que ce pouvoir ne peut être exercé que dans le cas où une université ne met pas en œuvre la loi.

Le gouvernement transforme aussi les conseils qui devaient « examiner les plaintes portant sur une atteinte au droit à la liberté académique universitaire et, le cas échéant, de formuler des recommandations concernant ces plaintes », dont des « sanctions », pour en faire de simples comités. Ceux-ci auront le pouvoir d’émettre de simples recommandations.

Le projet de loi 32 amendé reprend également désormais la définition de liberté universitaire énoncée dans le rapport Cloutier, qui fait écho à la définition universellement reconnue par l’UNESCO. Il est aussi précisé que « l’autonomie universitaire et la liberté académique universitaire sont deux piliers pour faire en sorte que la mission universitaire soit actualisée », explique Mme McCann, qui souhaite que les recteurs – farouchement opposés à l’adoption d’une loi – s’y rallient désormais.

Une politique qui sera mise à jour

Le projet de loi 32, qui sera sanctionné dans les jours qui suivent son adoption, fait du Québec un précurseur dans la protection de la liberté universitaire. « Je suis très fière et contente de terminer ma vie politique avec ce projet de loi qui donne de la liberté de parole et de la liberté de débat. Je pense que c’est très important dans tous les milieux, comme dans le milieu de la santé », a dit Mme McCann, ancienne ministre de la Santé, qui quitte la vie politique après un seul mandat.

« Je trouve que c’est un projet de loi équilibré qui respecte l’autonomie des universités et qui protège la liberté académique, qui ne la limite pas, bien au contraire », estime pour sa part sa vis-à-vis libérale Hélène David, ex-ministre de l’Enseignement supérieur sous le gouvernement Couillard, qui met elle aussi fin à sa carrière politique.

Les universités auront un an après l’adoption de la loi pour rédiger une politique portant exclusivement sur la liberté universitaire. Elles devront ensuite faire rapport au gouvernement. La ministre soumettra un rapport à l’Assemblée nationale après cinq ans.