(Ottawa) Le député conservateur craint que la charge du candidat à la direction du parti contre la Banque du Canada ne soit pas sa dernière de la sorte

Après la Banque du Canada, quelle autre institution sera dans la ligne de mire du meneur de la course à la direction du Parti conservateur, Pierre Poilievre, s’il accède aux commandes du parti et devient premier ministre ?

C’est la question que se pose le député conservateur de la Colombie-Britannique Ed Fast, qui a été contraint de quitter son poste de critique de l’opposition aux finances après avoir dénoncé les attaques de M. Poilievre contre la Banque du Canada.

Ancien ministre du Commerce international dans le gouvernement Harper, M. Fast est un élu respecté dans le mouvement conservateur. Il appuie l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest dans la course au leadership. La leader intérimaire du Parti conservateur, Candice Bergen, a confié les fonctions de critique aux finances à un autre député de la Colombie-Britannique, Dan Albas, un autre élu conservateur très apprécié qui appuie Pierre Poilievre dans la course à la direction du parti.

En entrevue avec La Presse, M. Fast est revenu sur cet épisode qui a provoqué des débats acrimonieux au sein du Parti conservateur, selon nos informations.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Ed Fast, en 2014, alors qu’il était ministre du Commerce international dans le gouvernement de Stephen Harper

« J’avais le devoir de m’exprimer quand j’ai entendu les propos de Pierre Poilievre au sujet de la Banque du Canada. Cela m’inquiète. Et je l’ai dit publiquement. Les Canadiens ont le droit de savoir s’il va aussi s’attaquer à d’autres institutions canadiennes comme le Régime de pensions du Canada, le directeur parlementaire du budget, le conseiller à l’éthique ou, que Dieu nous en garde, le directeur d’Élections Canada », a affirmé M. Fast.

« La Banque du Canada est une institution importante de notre démocratie. On peut se poser la question : jusqu’où va-t-il aller ? […] Des milliers de Canadiens sont morts durant deux grands conflits mondiaux pour défendre notre démocratie, nos libertés et nos institutions qui veillent à protéger ces mêmes droits », a-t-il ajouté.

Selon lui, M. Poilievre mène une campagne « populiste » qui carbure à la « colère des gens ».

« Je ne crois pas que les Canadiens soient fondamentalement des gens en colère. Ils peuvent être en colère à cause de certains enjeux. Mais chercher à canaliser cette colère dans un parti politique ne reflète pas ce que sont la majorité des Canadiens. En toute franchise, le populisme et le conservatisme ne sont pas la même chose. J’aimerais mieux que l’on s’en tienne aux vrais principes conservateurs comme le respect de la loi et de nos institutions, la gestion des finances publiques et placer les intérêts des victimes avant ceux des criminels », a-t-il énuméré.

M. Fast a appris à connaître Jean Charest quand il était ministre du Commerce international et que le Canada négociait une entente de libre-échange avec l’Union européenne. M. Charest avait convaincu le gouvernement Harper d’entreprendre de telles négociations.

« Perte de crédibilité » pour le parti

Depuis le début de la course, M. Poilievre se livre à une charge à fond de train contre la Banque du Canada, l’accusant d’être en bonne partie responsable de l’inflation qui a atteint 6,8 % en avril, un sommet en 30 ans. Il a aussi affirmé que cette institution, qui est responsable de la politique monétaire, est devenue « le guichet automatique » du gouvernement Trudeau « en imprimant de l’argent ».

Durant le débat en anglais qui a eu lieu à Edmonton, il y a deux semaines, M. Poilievre est allé encore plus loin en promettant de congédier le gouverneur Tiff Macklem, s’il devient premier ministre, et de le remplacer par un autre gouverneur qui saura « combattre l’inflation ». Des propos qui ont été condamnés par Jean Charest et le premier ministre Justin Trudeau, entre autres.

Au lendemain du débat à Edmonton, M. Fast a affirmé que les critiques de M. Poilievre faisaient « perdre de la crédibilité » à son parti, qui fait du dossier de l’économie et de la saine gestion des finances publiques ses principaux chevaux de bataille.

M. Fast avait également dit être « profondément troublé » de voir que M. Poilievre est prêt à « s’immiscer » dans l’indépendance « essentielle » de la Banque du Canada.

Les députés qui appuient M. Poilievre ont fait pression pour que M. Fast ne commente plus les sorties de leur candidat. M. Fast a décidé de renoncer à son poste afin de conserver sa liberté d’expression.

M. Poilievre a réagi à cette sortie en laissant entendre que M. Fast n’est pas un vrai conservateur, à l’instar de Jean Charest. « Ed Fast et Jean Charest n’auraient aucun problème à congédier une serveuse ou un soudeur pour ne pas avoir fait leur travail, mais ils ne feraient pas la même chose pour un grand banquier dont les échecs ont coûté une fortune aux Canadiens », a-t-il dit.