(Québec) Maire, médecins, avocats : pour élargir son électorat, Québec solidaire sort de son bassin traditionnel de militants pour recruter des candidats.

« Ce n’est pas nécessairement un recentrage. C’est une volonté d’élargir notre électorat. Et pour élargir notre électorat, il faut avoir sur la ligne de départ des gens qui nous permettent de parler à de nouvelles parties de la population auxquelles on avait plus de difficulté à parler avant. Ç’a été ça, notre démarche », explique le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, en entrevue avec La Presse.

Il veut casser l’image d’un parti d’urbains et veut mieux rejoindre les électeurs en région ou issus des minorités culturelles. Il présentera ses recrues aux membres du parti lors du Conseil national de QS qui se tiendra samedi à Montréal.

Plusieurs nouvelles candidatures

Au fil des derniers mois, le parti de gauche a recruté plusieurs figures qui ne proviennent pas du bassin traditionnel de militants de la première heure. Les Dres Mélissa Généreux, dans Saint-François, et Isabelle Leblanc, dans Mont-Royal–Outremont, voulaient porter les couleurs du parti de gauche. La première est une figure connue en santé publique, et la deuxième était jusqu’à tout récemment présidente du regroupement Médecins québécois pour le régime public.

Le maire de Saint-Camille, Philippe Pagé, sera candidat dans Richmond, en Estrie. Ancien attaché politique du ministre péquiste de la Santé Réjean Hébert, il est également directeur général de la Fédération de la relève agricole du Québec. L’avocat Guillaume Cliche-Rivard, spécialiste de l’immigration, tentera de battre la cheffe libérale, Dominique Anglade, dans Saint-Henri–Sainte-Anne.

Cela provoque parfois des frictions au sein du parti. Dans Maurice-Richard, les membres du comité de coordination du parti ont démissionné en bloc à la suite de la défaite de Raphaël Rebelo lors de l’assemblée d’investiture. Haroun Bouazzi, vice-président de la Banque de développement du Canada, représentera QS. Il avait l’appui des co-porte-parole. Une ancienne candidate du parti a dénoncé de son côté sur les réseaux sociaux le « trop grand électoralisme » de QS.

M. Nadeau-Dubois y voit plutôt du positif. En 2018, « il n’y avait presque pas de course à l’investiture parce qu’il n’y avait pas de gens tant que ça qui voulaient se présenter pour nous », affirme-t-il. Tandis que cette année, le « véhicule pour les gens qui refusent la vision de François Legault, de plus en plus, c’est instinctif que c’est Québec solidaire ».

Bon pour le recrutement

« Il y a eu beaucoup plus de course à l’investiture, ça génère des débats. Il y a des gens qui gagnent, et des gens qui les perdent. C’est le jeu de la démocratie », a-t-il dit. Il estime qu’il est possible d’« élargir le parti tout en restant respectueux et fidèle envers les militants et militantes qui l’ont construit pendant des années », et en tire même des bénéfices.

Une investiture contestée dans la circonscription de Bonaventure, en Gaspésie, « a fait passer le membership solidaire dans cette circonscription de 100 membres à 800 membres », a-t-il dit.

M. Nadeau-Dubois souligne également que plusieurs candidats du parti sont toujours issus de la base militante et qu’un équilibre est respecté.

Le politologue Martin Papillon, directeur du Centre de recherche sur les politiques et le développement social de l’Université de Montréal, croit que la nouvelle vague de candidats de QS est le symbole d’une certaine « maturité politique » d’un parti qui devient avec le temps « plus institutionnalisé ». « Certains le lui reprochent, mais en ayant des députés à l’Assemblée nationale, en suivant les codes de la politique, c’est un parti qui devient un peu plus mainstream, sans nécessairement se recentrer d’un point de vue politique. »

Crédibilité

Il explique ce succès de recrutement de QS par le positionnement du parti, qui est devenu « de facto l’opposition officielle dans plusieurs régions, parce que le PLQ n’est pas un parti qui réussit à rejoindre l’électorat francophone ». Même si ce succès ne se « reflète pas beaucoup dans les sondages », des gens voient que c’est possible de « se faire élire sous la bannière de QS ailleurs que sur le Plateau Mont-Royal ».

Chargé de cours à l’Université de Sherbrooke, le politologue Emmanuel Choquette y voit aussi une progression de Québec solidaire. « Ça va lui donner une crédibilité. C’est un cercle vertueux. Parce que le parti est plus présent, et que sa crédibilité est de plus en plus forte, il attire de plus en plus de candidatures extérieures au cercle militant. Il gagne ainsi en crédibilité et élargit son spectre d’électeurs », dit-il.

Même si cela risque de créer des « frictions dans les cercles des militants de la première heure », qui vont peut-être trouver que le parti de gauche, en voulant ratisser plus large, se repositionne plutôt vers le centre de l’échiquier politique.

En savoir plus
  • La machine du recrutement en marche
    D’ici la fin du mois de juin, 107 candidats sur 125 seront investis.
    Source : Québec solidaire