(Ottawa ) Le premier ministre Justin Trudeau accuse les députés conservateurs de sombrer dans la « désinformation » quand ils affirment que l’abolition des peines minimales obligatoires prévue dans le projet de loi C-5 aurait pour effet d’alléger les sanctions imposées aux personnes qui commettent des crimes à l’aide d’une arme à feu.

Dans une série d’échanges musclés à la Chambre des communes, mercredi, jour où le premier ministre répond à toutes les questions posées par les partis de l’opposition, M. Trudeau a affirmé que cette réforme « n’empêche[ra] pas les policiers de porter des accusations ni les procureurs de chercher à obtenir des condamnations ».

« Ce qu’elle fait, c’est de veiller à ce que les criminels soient punis sévèrement tout en diminuant la surreprésentation des Canadiens noirs et autochtones dans le système de justice pénale. C’est l’approche responsable pour assurer la sécurité des communautés, contrairement à l’approche qui a échoué des conservateurs des années passées », a-t-il ajouté.

Auparavant, Justin Trudeau avait dit : « Il faudrait que les conservateurs en finissent avec la désinformation. »

Le premier ministre a utilisé cette réplique à quelques reprises mercredi, tant en français qu’en anglais.

« Un criminel, c’est un criminel, peu importe la race », a riposté le député conservateur Pierre Paul-Hus. « Est-ce que le premier ministre sait que 90 % des victimes en 2021 proviennent des communautés des criminels qui ont sévi ? Que l’on soit blanc, noir ou autochtone, cela ne change rien. L’utilisation d’une arme à feu de façon illégale mérite une peine », a-t-il affirmé.

Il a de nouveau exigé que le gouvernement Trudeau retire les clauses du projet de loi C-5 portant sur les crimes commis avec une arme.

L’abolition des peines minimales pour certains crimes fait partie du projet de loi C-5 piloté par le ministre de la Justice, David Lametti, qui vise à modifier le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Entre autres choses, le projet de loi abolirait les peines minimales et permettrait ainsi à un juge d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour imposer des peines liées à la nature d’un dossier, y compris des considérations sur l’expérience de la personne concernant le racisme systémique et sur le risque qu’elle présente pour la sécurité publique.

Le projet de loi ouvrirait la porte à un plus grand recours aux peines avec sursis, y compris l’assignation à résidence, la thérapie ou le traitement, à l’égard des personnes qui ne menacent pas la sécurité publique.

Mais selon le Parti conservateur, cette réforme ratisse trop large. Surtout, elle envoie un bien mauvais message aux membres de gangs de rue qui sévissent dans les rues de Montréal et de ses banlieues depuis plusieurs mois.

De nombreux témoins qui ont défilé devant le comité de la justice de la Chambre des communes au cours des dernières semaines ont mis en relief certaines des lacunes de ce projet de loi.

Le directeur du Service de police de Laval, Pierre Brochet, qui est aussi président de l’Association des directeurs de police du Québec, fait partie de ceux qui ont exprimé des réserves.

« On passe un très mauvais message en diminuant les peines pour ces crimes. Abolir les peines minimales obligatoires va faire en sorte que des criminels très violents s’en sortent avec des peines moindres. Ces gens qui sont prêts à faire cela sont très criminalisés. On a beau être idéaliste, ils ne cesseront pas en sortant de prison », a-t-il soutenu la semaine dernière.

Des organisations citoyennes sont aussi récemment montées aux barricades. « Le projet de loi C-5 est en parfaite dichotomie avec le contexte social de violence armée », a notamment affirmé Stéphane Wall, un policier à la retraite de Montréal qui est l’un des porte-parole de la Communauté de citoyens en action contre les criminels violents.

Depuis le début de l’année, le Service de police de la Ville de Montréal signale qu’un évènement impliquant une arme à feu a lieu tous les deux jours.